La Grèce vient de créer la plus grande aire marine protégée du pays : 430 km² autour de l’archipel de Foúrni, pour sauvegarder des récifs coralligènes découverts récemment. Ces forêts animales sous-marines, essentielles à la biodiversité, ont été révélées grâce au projet « Protecting Aegean Coralligenous » porté par Tim Grandjean*, soutenu durant deux ans par le fonds de dotation français Pure Ocean. Tout est parti d’indices donnés par des pêcheurs côtiers, témoins d’habitats marins qu’ils soupçonnaient d’être inhabituels à plus de 100 mètres de profondeur. La suite : un mixte entre science participative et mobilisation citoyenne qui débouche sur une décision politique.
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Grèce : des forêts de coraux révélées
22-med 18 septembre 2025 – Olivier Martocq journaliste.
430 km² de récifs coralligènes désormais protégés en méditerranée, une victoire scientifique et citoyenne.
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Par Olivier Martocq - Journaliste
En mer Égée, autour de l’archipel de Foúrni (entre les îles de Samos et Ikaria), un programme de recherche soutenu en 2021 par Pure Ocean a bouleversé la connaissance de ces fonds méditerranéens. Les scientifiques avaient été alertés par des pêcheurs côtiers, surpris par le nombre et la variété des espèces de poissons présentes sur certaines zones. « Par ce qui relève ici des sciences participatives, on a eu les premiers indices d’habitats qui ne devaient pas se trouver là », raconte le chercheur et coordinateur scientifique de l’ONG Pure Ocean, Charlie Mathiot.
Grâce à un robot sous-marin, les scientifiques vont rapidement confirmer la présence de récifs coralligènes en abondance à une centaine de mètres de profondeur. Or ces coraux, véritables forêts animales sous-marines, jouent un rôle clé : ils servent d’abri et de nurserie à une multitude d’espèces de poissons. Mais cette richesse attire aussi le chalutage de fond, une technique destructrice qui racle les fonds marins. « Ces zones abritent une abondance de poissons… qui attire les chalutiers, au détriment de l’habitat lui-même », confirme le chercheur.
Des images spectaculaires qui mobilisent
Le projet n’en est pas resté là. En 2024, l’équipe d’Under the Pole, spécialisée dans les plongées techniques, est descendue au-delà de 100 mètres de profondeur pour explorer physiquement ces récifs. Leurs photographies, saisissantes, montrent alors la richesse et la beauté de ces écosystèmes méconnus. « Elles ont mobilisé la communauté internationale : non seulement ces récifs sont extrêmement riches en vie, mais ils sont très beaux », souligne Charlie Mathiot.
En 2023, une nouvelle étape a renforcé l’importance de la découverte : des éponges marines vivant sur ces récifs se sont révélées produire des molécules aux propriétés antibactériennes, de potentiels futurs antibiotiques. « On part d’une connaissance locale, on envoie un robot, et on aboutit à mieux caractériser des molécules actives », résume Camille Clérissi chercheur à l’Université de Perpignan . Pour lui, cette progression illustre à quel point la science marine reste à explorer : « Au-delà de 40 mètres, la science a encore une énorme marge de progression. »
Une aire marine protégée historique
Ces avancées scientifiques ont rapidement trouvé un prolongement politique. En juin dernier, lors de la Conférence océanique des Nations Unies organisée à Nice, la Grèce a annoncé la création d’une aire marine protégée de 430 km² autour de Foúrni, interdisant le chalutage sur ces récifs. « La plus grande de Grèce. Cela montre que la recherche appliquée peut déboucher sur des résultats concrets et extraordinaires », se félicite David Sussmann*, président fondateur de Pure Ocean.
Cette décision fait entrer le pays dans la dynamique internationale visant à protéger 30 % des surfaces océaniques d’ici 2030. Jusqu’ici, la Grèce ne comptait que deux aires marines protégées, de taille modeste. La reconnaissance et la protection de ces récifs coralligènes marquent donc une première historique. L’histoire de cette aire protégée est aussi celle de Pure Ocean, né en 2017 à Marseille. Le fonds de dotation s’est donné pour mission de financer des projets scientifiques ambitieux afin de préserver les écosystèmes marins. « L’océan est notre assurance-vie », rappelle David Sussmann. L’océan couvre 71 % de la planète, produit 50 % de l’oxygène, absorbe un quart du CO₂ et nourrit trois milliards de personnes. Mais il est menacé par le réchauffement climatique, la pollution, l’acidification et la surpêche.
Depuis sa création, Pure Ocean a lancé sept appels à projets (le dernier lancé en septembre de cette année) et soutenu 34 programmes, rigoureusement sélectionnés par un comité scientifique international. En huit ans, près de 8 millions d’euros ont été levés auprès de 300 mécènes dans le monde.
Une ONG qui se tourne de plus en plus vers la Méditerranée
Les axes prioritaires de Pure Ocean couvrent la lutte contre les pollutions, la protection de la biodiversité, l’adaptation au changement climatique et la connaissance des océans. Les projets financés sont variés : technologiques (robots, ADN environnemental), sociaux (sciences participatives, aires protégées), inspirés de la nature (biomimétisme, carbone bleu) ou exploratoires (écosystèmes profonds).
En 2025, six nouveaux projets viennent enrichir cette liste : cartographie de la pollution textile au Ghana, protection des mangroves en Inde, restauration de la biodiversité en Polynésie grâce aux oiseaux marins, suivi des migrations de poissons en Australie, étude de l’exploitation minière abyssale aux Açores, et recherche sur la résistance des coraux au réchauffement en Méditerranée et mer Rouge. David Sussmann entend orienter de plus en plus de programmes sur la Méditerranée : « Pure Ocean est né à Marseille. Si nous ne faisons rien, cette mer pourrait devenir une mer morte d’ici 2050. » L’ONG finance désormais des projets ciblant la pollution plastique et la pêche illégale. Cette dernière représente 25 % des captures mondiales, soit 40 milliards de dollars chaque année. « On parle de 50 000 bateaux qui pêchent illégalement en permanence », alerte Sussmann.
L’ONG mise sur l’innovation, y compris spatiale : satellites et imagerie pourraient devenir des outils décisifs pour surveiller les océans. « Il n’y a pas de raison que l’on sache ce qui se passe sur l’autoroute et pas dans la mer », insiste le fondateur.
Sensibiliser et fédérer
Au-delà de la recherche, Pure Ocean mobilise la société civile qui draine l’essentiel des financements grâce à des événements (Talk for Pure Ocean, 24h Pure Ocean, La Nuit de l’Océan), des courses sportives ou des dîners caritatifs. Elle développe aussi des outils pédagogiques : le sac écoconçu La Goutte Bleue, l’exposition multilingue Prendre soin de la nature, le jeu éducatif Aqua Match, ou encore des ateliers participatifs. Son réseau s’élargit, avec des ambassadeurs – navigateurs, plongeurs, sportifs – et des mécènes majeurs comme Accor ou Arkea. L’idée reste la même : allier science, innovation et mobilisation citoyenne pour défendre le « poumon bleu » de la planète.

Photo de Une : Les récifs coralligènes ont été révélés grâce au projet « Protecting Aegean Coralligenous » © Under The Pole

Tim Grandjean le porteur du projet Protecting Aegean Coralligenous est chercheur au Archipelagos Institute of Marine Conservation et doctorant au Royal Dutch Institute of Sea Research.

David Sussmann, président de Seafoodia et président-fondateur de Pure Ocean crée SEAFOODIA en 1996 à Rhode Island, USA et ensuite en Europe. La société Seafoodia est spécialisée dans la distribution et la commercialisation des produits de la mer à l’échelle internationale. Forte de ses solides partenariats avec des centaines de bateaux de pêche et de sites de production à travers le monde, elle exporte vers plus de 70 pays et compte plus de 125 collaborateurs dans le monde. Lors de ses nombreux voyages d’affaires, David Sussmann a pu constater la pollution et la destruction du milieu naturel. Il a pris conscience des enjeux environnementaux. C’est ainsi qu’a germé l’idée de Pure Ocean - une ONG créée en 2017 pour la protection des écosystèmes marins fragiles et de la biodiversité. (crédit photo©JMRanaivoson 1)