Italie

Une association romaine au côté des femmes victimes de violences

Dans le sud-est de Rome, depuis 2008, Lucha Y Siesta, groupe de féministes et d’activistes pour les droits des femmes, vient en aide aux victimes de violences sexistes. Ce nom provient pour partie de leur adresse, via Lucio Sestio, et pour partie des mots espagnols « siesta » (repos, en référence aux lieux sûrs offerts aux femmes en difficulté) et « lucha » (lutte).

En quinze ans d’activité, le groupe s’est considérablement développé. À partir de l’occupation en 2008 d’un bâtiment abandonné appartenant à l’entreprise publique de transports de Rome, des activités ont vu le jour et élargi la communauté de Lucha Y Siesta. Aujourd’hui, certaines des militantes ont même créé une association où elles travaillent bénévolement. Avec leurs compétences diverses, elles aident celles et ceux qui cherchent à sortir d’une situation critique, parfois avec des enfants mineurs.

120 femmes tuées en 2023

L’association gère aussi des centres de lutte contre la violence et des refuges pour le compte de la ville de Rome. Elle participe à de nombreux projets qui vont dans ce sens.

Il s’agit d’une activité salutaire sur un territoire compliqué pour la population féminine. Selon les données du gouvernement italien, en 2023, 120 femmes ont été tuées dans le pays, dont 75% par leur partenaire, dans un contexte familial ou affectif. Les centres de lutte contre la violence et les refuges sont environ 60% moins nombreux que ce que prévoit la Convention d’Istanbul (1). Les chiffres indiquent également environ 12 500 cas de harcèlement et une augmentation du revenge porn, c’est-à-dire la diffusion non consensuelle d’images intimes, dont les femmes sont victimes dans plus de 90% des cas.

L’Italie condamnée par la Cour européenne des Droits de l’Homme

À Rome, le problème est très prononcé. Selon le procureur de la capitale italienne, Francesco Lo Voi, en 2023, il y a eu environ 10 signalements de violence de genre par jour. En septembre 2023, le Conseil de l’Europe a qualifié la situation italienne de "préoccupante", notamment à la lumière des multiples condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme pour la "réponse inefficace" de l’Italie aux plaintes des femmes.

Depuis sa création jusqu’à aujourd’hui, Lucha Y Siesta cherche à contrer ce problème. Simona Ammerata, cofondatrice, travailleuse sociale et militante du centre, a expliqué que l’impact de leur travail bénévole sur la communauté est très important. En plus de gérer le bâtiment occupé de la rue Lucio Sestio, Lucha Y Siesta a lancé d’autres projets au fil du temps - et gère également des maisons-refuges dans des endroits secrets et sécurisés. Les femmes sortant de situations violentes peuvent y reconstruire une nouvelle vie en sécurité, loin de partenaires ou ex-partenaires violents.

Des financements problématiques

"S’occuper de la violence de genre coûte cher", explique Simona Ammerata. "Par exemple, l’appel d’offres pour un refuge qui accueille généralement 5 ou 6 femmes coûte environ 200 000 euros pour une année. Au lieu de cela, nous en accueillons 12 par an. Le centre d’appels est également important : normalement, cela coûterait environ 80 000 euros par an aux caisses municipales ; de l’argent que nous leur faisons économiser ".

À cela s’ajoute l’impact culturel, grâce à des projections de films, présentations de livres et organisation d’événements ou festivals ouverts au quartier.

Reste que Lucha Y Siesta est en difficulté depuis des années. Avec le temps, de nombreuses autorités et institutions avaient reconnu l’utilité publique de l’activité des militantes. En 2019, le bâtiment a donc été mis aux enchères pour équilibrer les comptes d’ATAC (l’entreprise de transports en commun de Rome), et a été acheté par la région du Latium dans le but de le céder à Lucha Y Siesta. Cependant, cet accord a depuis été rompu et la région tente d’expulser les femmes et de mettre aux enchères la gestion du bâtiment. Entre-temps, au début de 2024, Lucha y Siesta a néanmoins été acquittée de l’accusation d’occupation illégale du bâtiment.

Pour cette raison, les bénévoles restent confiants. Au fil des ans, les institutions italiennes reconnaîtront le travail accompli par l’association contre la violence basée sur le genre. Cependant, Simone Ammerata conclut qu’ « il est également nécessaire de lutter contre la violence à la source, et non en aval. Cela signifie qu’il faut des interventions culturelles pour former les générations les plus jeunes à l’éducation sexuelle et affective, et pour éliminer les inégalités systémiques entre les hommes et les femmes". En particulier, elle estime qu’il est important d’aider les femmes à devenir indépendantes d’un point de vue professionnel et économique. Et donc moins exposées à diverses formes de violence, y compris physiques.

(1) La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, également connue sous le nom de "Convention d'Istanbul", exige des Parties qu'elles élaborent des lois, des politiques et des services de soutien pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes et à la violence domestique