Liban

Quand les Jésuites ramènent leur science ! 

Depuis le XIXe siècle, les jésuites ont façonné la recherche scientifique au Liban. Fondateurs de l'USJ (Université St Joseph), ils ont contribué aux avancées en médecine, botanique, génétique et archéologie. A l’occasion des 150 ans de cette institution, 22-med revient sur 150 ans de découvertes.

Les Jésuites ont fait de la science leur marque de fabrique. Dès leur fondation en 1540 par Ignace de Loyola, ils ont placé l’éducation et la quête de la connaissance au cœur de leur mission. Ce mouvement s’est traduit par l’établissement d’institutions académiques de premier plan et par une contribution significative aux sciences expérimentales et mathématiques. Au Liban, leur influence a été tout aussi déterminante, ouvrant la voie à des avancées scientifiques et éducatives majeures.

Un rôle majeur dans l’essor scientifique du Liban

Avec la restauration de l’ordre en 1814, la Compagnie de Jésus a repris son engagement académique, ouvrant un réseau de collèges et d’universités à travers le monde entier. Leur arrivée au Liban va marquer un tournant dans le développement de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. En 1875, les Jésuites y fondent l'Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), qui deviendra l’un des bastions du savoir au Liban. Contrairement à d’autres institutions éducatives à l’époque, l’USJ met rapidement en place des programmes scientifiques ambitieux, comprenant la médecine, la pharmacie et les sciences naturelles. Cette approche multidisciplinaire reflète l’esprit ignatien, combinant humanisme et rigueur scientifique.

Les premières manifestations scientifiques étaient jésuites …

En 1907, le père Bonaventure Berloty fonde le premier observatoire du Moyen-Orient à Ksara pour enregistrer les précipitations, les aléas météorologiques et l'activité sismique. En 1975, l’observatoire est repris par l’Etat libanais pour devenir le Centre National de Géophysique (CNG), l’une de plus anciennes structures rattachées au Conseil National de la Recherche Scientifique Libanais.

Vers les années 1930, Paul Mouterde, missionnaire jésuite français, commence à sillonner Beyrouth, dressant un inventaire floristique des végétaux qu’il croisait dans la capitale. Très vite en 1935, il publie son fameux ouvrage Petite flore des environs de Beyrouth. Puis, une dizaine d’années plus tard en 1953, La Flore du Djebel Druze.

Mais l’ultime succès de Mouterde restera à jamais la référence régionale de botanique, encore largement aujourd’hui utilisée : Nouvelle flore du Liban et de la Syrie. C’est après une visite en 1964 aux jardins botaniques de Kew à Londres, que le botaniste décide d’entreprendre cet ouvrage. De 1966 à 1978, il en publie, l’un après l’autre, les 3 volumes qui servent jusqu’aujourd’hui de guide à tout botaniste de la région.

Des apports importants

En 1994, le Père Jacques Loiselet fonde le premier centre de génétique et de génomique médicales au Liban qui porte aujourd’hui son nom. Ce centre poursuit plusieurs objectifs : fournir aux patients et à leurs familles un diagnostic clinique et moléculaire, les guider vers une prise en charge thérapeutique lorsque cela est possible, sensibiliser le corps médical au rôle essentiel de la génétique en médecine conventionnelle et diffuser ces connaissances auprès des étudiants de divers pays du Moyen-Orient. Depuis sa fondation, le centre Jacques Loiselet de génomique médicales a publié plus de 300 articles scientifiques qui ont révolutionné la recherche génétique aussi bien au Liban que dans le monde.

Dans de nombreux domaines

En l’an 2000, l’USJ inaugure le premier musée de la préhistoire libanaise fruit de longues années de recherches. Les travaux académiques ont démarré à partir de la fin du 19ème siècle sous l’impulsion du père Godefroy Zumoffen (1848-1928), véritable fondateur de la préhistoire libanaise. À Zumoffen ont succédé d’autres savants jésuites, qui ont sillonné le Liban à la recherche de vestiges témoignant de la vie des hommes de l’Âge de la Pierre.

Grâce aux travaux de ces pionniers, on connaît aujourd’hui un grand nombre de sites préhistoriques au Liban, dont certains ont disparu.

Les jésuites ont aussi influencé l’agronomie régionale. En effet, dans les années 2000 le père Pierre Wittouck réalise des études révolutionnaires sur la culture des ananas, des endives et des asperges au Liban dans son laboratoire de l’École supérieure d’ingénieurs en agronomie méditerranéenne de l’USJ.

Aujourd’hui, les jésuites continuent d’exercer une influence significative dans l’enseignement et la recherche du pays, notamment à travers l’USJ et ses structures spécialisées qui collaborent autant avec les institutions de l’Etat, qu’avec les universités laïques et la société civile pour assurer un développement scientifique optimal au pays du cèdre. « Cela fait partie de notre mission envers la société libanaise » comme le dit si souvent le Pr. Salim Daccache, recteur de l’université. L’Université Américaine de Beyrouth (AUB), le CNRS-L, l’Institut de recherche agronomique libanais (IRAL), l’Université libanaise (UL) font partie de la longue liste des partenaires de l’USJ.

Les pères jésuites sont aussi à l'origine de la fondation du musée de la préhistoire de Beyrouth ©Archives de l'USJ

Photo de Une : les anciens bâtiments de la faculté de Médecine de l'USJ ©Archives de l'Université