Du 4 au 7 novembre, la 8th Mediterranean Forest Week (8MFW) s'est tenue à Barcelone. Cet événement biennal a réuni des experts, des responsables gouvernementaux et des leaders communautaires pour élaborer une approche commune face aux défis auxquels sont confrontées les forêts méditerranéennes. Des solutions et des initiatives ont été discutées pour conserver et restaurer les écosystèmes forestiers méditerranéens. Elles comptent sur une coopération internationale à même de renforcer leur résilience et leur durabilité.
Magda Bou Dager Kharrat, exploratrice de National Geographic et scientifique senior à l'EFI (European Forest Institute), a participé à ces rencontres. Elle souligne que des initiatives comme celle-ci peuvent accélérer considérablement le processus. “En permettant aux scientifiques et aux professionnels de partager les meilleures pratiques, les leçons tirées et les méthodologies éprouvées. En évitant les efforts redondants. Et en économisant du temps et des ressources”. Elle souligne aussi l'importance des alliances internationales : “les stratégies environnementales proactives sont essentielles pour éviter des dommages irréversibles”.

Fortes de milliers d’années de gestion humaine, les forêts méditerranéennes reflètent un équilibre complexe entre la nature et l’intervention humaine. Elles sont, aujourd’hui, confrontées aux sécheresses, pénuries d’eau et incendies de forêt. Relever ces défis nécessite de combiner la science, les savoirs traditionnels et la coopération transfrontalière.
Néanmoins, une coopération différenciée est nécessaire pour optimiser les ressources naturelles en fonction du contexte de chaque sous-région. Le Libanais Jean Stephan, consultant en environnement et intervenant lors du forum, explique qu'il existe des similitudes, mais aussi des différences, entre les pays du nord et du sud du bassin méditerranéen. Dans le nord, de nombreuses ressources ont été oubliées en raison de l'exode rural. “Les pâturages, les terres agricoles et même les forêts, y compris certains produits forestiers non ligneux, sont sous-utilisés. Cela permet l'accumulation de biomasse, l'expansion des forêts, mais conduit également à des incendies et à des infestations de ravageurs”. Pendant ce temps, dans le sud, “ la pauvreté prévaut parmi la population rurale toujours présente, la dépendance aux ressources naturelles reste importante”, expose-t-il. Par conséquent, celles-ci sont surexploitées pour satisfaire ces besoins.

Résilience et diversité de l’écosystème forestier
Il est important de renforcer la résilience à long terme de l'écosystème. Pour Magda Bou Dagher , "la gestion durable des forêts est essentielle pour rétablir l'équilibre au sein du système agrosylvopastoral. Soit une approche traditionnelle qui intègre l'agriculture, la foresterie et le pastoralisme pour maintenir un paysage équilibré. Cette approche favorise non seulement la régénération des forêts et contrôle la biomasse, mais soutient également la santé des écosystèmes face aux défis climatiques”. “Des corridors écologiques qui relient les zones forestières” sont également essentiels à la migration et à l’adaptation des espèces.
De son côté, Jean Stephan soutient que les forêts monoculturales sont vulnérables, tandis que les écosystèmes forestiers diversifiés sont plus résistants. “La diversification doit être encouragée. Cela signifie qu’aucune espèce ne devrait être dominante ; idéalement, elle ne devrait pas contenir plus de 70 % du nombre d’arbres de la forêt. Les espèces endémiques, rares, menacées et celles qui diversifient les revenus des propriétaires fonciers doivent être prises en compte. De plus, les petits arbustes et les espaces ouverts avec des plantes à fleurs sont également importants, et par conséquent le sous-étage doit être géré et conservé “. Un sous-étage à préserver en particulier dans les zones éloignées des routes, où des incendies peuvent se déclarer et sont plus difficilement maîtrisables.
La génétique, essentielle
Mais face à des événements extrêmes tels que les feux de forêt ou des inondations sévères, la diversité génétique à elle seule ne peut pas éviter la destruction immédiate. En effet, même les espèces les plus résilientes sont vulnérables.
En revanche, “ la génétique continue de jouer un rôle essentiel dans la récupération et l’adaptation à long terme des forêts méditerranéennes. Grâce à une sélection rigoureuse des espèces, nous pouvons améliorer la résilience à certaines conditions. Par exemple, choisir des espèces moins inflammables ou ayant un système racinaire profond peut réduire les risques d’incendie et améliorer la stabilité des sols“, explique Magda Bou Dagher .
Même si les catastrophes ne peuvent être évitées, cette approche proactive aide les forêts à les supporter et à se rétablir au fil du temps.
Actuellement, plusieurs projets de restauration ont été réalisés avec succès. Jean Stephan met en avant le projet de Neutralité en matière de dégradation des terres mis en œuvre par le PNUD à travers des ONG locales. Il vise à remplacer la plantation d'une seule espèce d'arbre (cèdre ou pin) par un ensemble d'espèces plus diversifiées, comprenant des espèces rares et menacées, et des arbustes en zones où le sol est peu profond. Le projet SALMA de la FAO a également amélioré la capacité des dirigeants locaux à élaborer des plans de gestion forestière, protégeant les espèces endémiques et rares.

Instruments financiers et politiques régionales urgentes
Les politiques internationales pour la protection et la restauration des forêts sont en place, mais leur mise en œuvre au niveau national est urgente. Elle nécessite une intégration plus solide dans les politiques locales, comme le souligne Magda Bou. “Ces cadres internationaux fournissent une base, mais leur véritable impact dépendra de la manière dont ils seront adaptés aux contextes nationaux spécifiques et renforcés par des mécanismes politiques solides”.
De nombreux projets et initiatives montrent déjà des progrès significatifs, tels que le lancement de la Mediterranean Forest Initiative (MFI) lors de la MFW et le projet Mediterranean Forest Genetics (MEDFORGEN pour le Liban, le Maroc, la Tunisie, la Palestine, Israël et l'Algérie) dirigé par l'European Forest Institute. Ces initiatives sont essentielles non seulement pour restaurer les forêts, mais aussi pour améliorer la biodiversité, la résilience climatique et la participation des communautés locales.
Cependant, il reste toujours une marge de progression. Jean Stephan souligne la nécessité de “réviser le cadre législatif”, en particulier dans le sud et l'est de la Méditerranée, en ce qui concerne la gestion forestière et la conservation de la biodiversité, en le reliant à une approche plus large incluant les réglementations sur les pratiques agricoles et la planification stratégique.
Les deux experts sont optimistes quant à l’avenir. Pour Jean Stephan “nous assisterons à un retour aux solutions fondées sur la nature et à une diversification des biens et services forestiers dans les forêts gérées”. De son côté, Magda Bou Dagher “espère que des progrès substantiels dans la restauration et la protection des forêts méditerranéennes seront réalisés au cours des 5 à 10 prochaines années”. Tous les deux soulignent néanmoins la nécessité d’un engagement continu de toutes les parties impliquées.

Photo De Une : Des solutions et des initiatives ont été discutées pour conserver et restaurer les écosystèmes forestiers méditerranéens lors de la 8th Mediterranean Forest Week