Au Liban, une crise économique et des salaires extrêmement bas ont poussé de nombreuses personnes à fouiller les poubelles pour récupérer les matériaux recyclables et les vendre. Cette économie parallèle des déchets, bien qu'informelle et précaire, contribue à leur réduction tout en offrant des revenus essentiels aux plus démunis.
Le Liban traverse une crise économique qui a des répercussions majeures sur les secteurs privé et public, avec des salaires extrêmement bas, certains ne dépassant pas 38 euros par mois. De nombreuses personnes, notamment des réfugiés syriens privés des aides de l’ONU, car illégaux, se tournent vers le contenu des poubelles pour survivre. Cette situation a engendré une économie parallèle des déchets, offrant une solution au problème national de la gestion des ordures et créant des opportunités économiques pour les plus démunis.
Une économie parallèle
Des collecteurs fouillent les poubelles dans divers quartiers de Beyrouth à la recherche de matériaux recyclables comme le plastique, le métal et encore le papier. « Nous le faisons les deux fois par jour, à 7h et à 22h, confie à 22M Ali, 35 ans, collecteur d’origine libanaise. Nous arrivons à gagner entre 14 et 19 euros chaque jour grâce aux poubelles de la capitale (soit 7 à 10 fois leur salaire NDLR). J’en soustrais mes dépenses personnelles et envoie le reste à ma famille en Syrie », poursuit-il.

Certains habitués ont même répertorié les quartiers où la récolte était la meilleure. « Je ne me rends que dans les quartiers les plus fréquentés : soit ceux où il y a des pubs et des boîtes de nuit, soit ceux où on trouve beaucoup de bureaux, car la récolte est meilleure là-bas. Il y a moins de détritus, type nourriture, et plus de matière revendable comme les canettes, le papier ou les emballages plastiques », lance Mohammad, 24 ans, collecteur d’origine syrienne.
D’autres habitués ont établi des relations de fidélité avec plusieurs quartiers, comme Houssam, 21 ans et Tarek, 17 ans, tous deux réfugiés syriens illégaux. « Je suis responsable de ces trois immeubles ici (rue Hamra) et mon ami des cinq premiers de la rue parallèle (rue Léon). Les résidents nous fournissent des déchets déjà triés dans des sacs en plastique. En une journée, nous récoltons autant de déchets qu’en une semaine. Cela augmente notre revenu hebdomadaire de 47 à 69 euros », racontent les jeunes garçons.
Des consignes clandestines
Ils collectent, puis vendent à des consignes de recyclage clandestines, établies dans de vieux immeubles désaffectés de la capitale ravagée par l’explosion au port de Beyrouth en 2020. Abdullah, Libanais âgé de 35 ans, propriétaire d’une consigne clandestine, explique : « Nous pesons et achetons ici les matériaux qui nous intéressent. Ensuite nous les revendons à des usines de recyclage dans les pays occidentaux, notamment en Turquie ». Selon Mahmoud, Palestinien de 65 ans, « c’est près de 85kg de déchets que chaque collecteur nous rapporte par jour. Soit un total de 1000 kg par jour pour notre consigne. Et il y en a plus d’une dizaine comme la nôtre dans la capitale ».
Ce commerce informel a non seulement permis aux collecteurs de subvenir à leurs besoins, mais a également contribué à la réduction des déchets dans les rues libanaises. De quoi soulager ainsi des systèmes de gestion des ordures souvent défaillants et retarder la crise latente qui y est associée.
Reste que cette organisation se confronte à plusieurs obstacles majeurs : la précarité des conditions de travail, l’absence de protection sociale et la concurrence pour les matériaux recyclables. De plus, les réfugiés syriens illégaux doivent faire face à des tensions avec les forces de sécurité intérieures libanaises qui peuvent les expulser.
La majorité des collecteurs étant Syriens, la plupart des revenus générés par cette économie sont envoyés en Syrie. Cela aggrave donc le problème du drainage des ressources vers ce pays voisin, comme celui de la raréfaction des devises étrangères au Liban.
