Chypre

Le secret des roses d’Agros, entre traditions et innovation

Depuis soixante-dix-sept ans, la famille Tsolakis perpétue une tradition autour des roses à Agros. De l'eau de rose au thé biologique, en passant par les cosmétiques et les confiseries, leur savoir-faire artisanal et leur passion pour les roses ont transformé leur entreprise familiale en success story. Aujourd'hui, la troisième génération est en place, exportant les produits au-delà des frontières chypriotes, tout en préservant les valeurs agricoles et entrepreneuriales qui ont fait leur renommée.

Au village d'Agros dans le district de Limassol, les Tsolakis cultivent des roses depuis 1948, avec soin et dévouement. Il y a un siècle, l'instituteur de la région, Nearchos Kliridis, a vu dans les buissons de rosiers qui poussaient dans la région une nouvelle culture, et sans doute un nouveau revenu pour ses habitants. Possédant quelques rosiers et un alambic, profitant des connaissances de l'enseignant, Nikodimos Tsolakis se lance alors dans la production d'eau de rose, marquant durablement le marché chypriote. Désormais à la tête de «The Rose Factory», son fils Christakis Tsolakis et ses petites-filles poursuivent cette tradition, tout en innovant chaque jour.

Vivre par et pour les roses

 « Nous sommes profondément fiers de perpétuer une tradition que nos grands-parents ont bâtie et que nos parents ont poursuivie, la gardant vivante et forte pour nous la transmettre, intacte et pleine de valeurs », souligne Andria Tsolakis, membre de la 3e génération de la famille.

« Depuis que je suis enfant, je me souviens de marcher dans les champs de mon père et de cueillir les roses tôt le matin. Pour nous, ce ne sont pas simplement des fleurs, elles sont notre vie. Leur parfum m'accompagne partout. Il est vraiment inestimable de grandir dans la nature, entouré de senteurs et de couleurs, et surtout parmi les roses. Aussi loin que je me souvienne, j'étais un enfant qui courait sans cesse dans les espaces de l'usine, parmi des paniers pleins de roses. Surtout l'été, nous participions activement à la fabrication des produits ainsi qu'à l'accueil des touristes qui visitaient l'endroit, acquérant des expériences dès notre plus jeune âge ».

Son intégration et celle de sa sœur dans l'entreprise ont donc été une évolution naturelle. Même leurs études les ramenaient à cette passion pour les roses. « Après avoir terminé l'école, j'ai suivi des études en chimie. Ensuite, je suis allée à Montpellier en France, où j'ai poursuivi avec un master en production de cosmétiques, liant directement mes connaissances à l’activité familiale. De même, ma sœur a suivi son propre chemin, tout aussi important pour l'entreprise. Elle a étudié l'économie et suivi un master en gestion d'entreprise, apportant des compétences précieuses dans le domaine de l'organisation et du développement ». Explique Andria

Récolter à la main

Le printemps est la saison de floraison, où il faut récolter les roses et produire les matières premières qui seront utilisées les mois suivants pour la confection des produits.

« Sans aucun doute, mai est le mois le plus exigeant, mais aussi le plus magique pour nous », poursuit-elle. Tout débute vers 5h30 le matin, afin que les huiles essentielles contenues dans les roses ne s'évaporent pas. Environ 80 000 roses sont récoltées chaque jour, à la main. L'usine emploie huit personnes, mais en période de floraison, il y a un personnel saisonnier supplémentaire le temps de la récolte, qui dure de 20 à 30 jours selon la production et les conditions météorologiques.

Les roses doivent ensuite être utilisées immédiatement. Elles sont pesées et triées selon différents processus. La plupart des fleurs sont utilisées dans la distillerie pour la production de l'eau de rose et de l'huile essentielle de rose. Ce sont les principales matières premières, à partir desquelles The Rose Factory va créer sirop, loukoums, chocolats, vinaigre de rose, confitures, bonbons, parfums d'ambiance ou encore bougies et cosmétiques. « Une certaine quantité de roses sera aussi séchée pour la production de thé à la rose», explique Andria Tsolakis, soulignant que de nombreux visiteurs affluent pour vivre cette expérience de près.

Le rosier est une culture qui prospère, sans avoir besoin d'interventions excessives. La « Rosa damascena », l'espèce cultivée par la famille, possède un parfum qui se distingue de ses congénères, au point que l'on parle désormais de "la rose d'Agros".

« Nous utilisons des méthodes de culture douces, nous limitons l'utilisation de pesticides et veillons à réduire au maximum l'impact sur l'environnement. Cette variété de rosiers se plaît à Agros grâce à l'hiver froid et à l'été frais. Ces conditions lui permettent de fleurir correctement et de nous donner des roses avec un parfum riche et de qualité. Malheureusement, ces dernières années, nous constatons de plus en plus les effets des changements climatiques ce qui provoque la sécheresse des cultures », observe Christakis Tsolakis.

Jusqu'en Australie

En juillet 1971, le producteur avait initié la première exportation d'eau de rose. Ce sera vers l'Australie et Melbourne, qui compte une communauté chypriote nostalgique des senteurs de son île. Le Japon sera la seconde destination conquise grâce à la collaboration mise en place avec leur représentant australien. « Nous voulons que nos produits atteignent plus de personnes, tant à Chypre qu'à l'étranger, et deviennent des ambassadeurs de notre pays », pointe-t-il. Avant de souligner : « Je suis très fier de voir évoluer l'entreprise, de constater où nous sommes arrivés aujourd'hui ».

Les Tsolakis connaissent l'importance de l'innovation. Depuis 2006, pour tirer le meilleur parti des précieuses propriétés de l'eau de rose et de l'huile essentielle de rose, la famille, a lancé la production des cosmétiques Venus Rose. Premiers cosmétiques biologiques certifiés chypriotes, ils suivent la norme européenne Cosmos Organic.

Dans les projets immédiats, il y a l'extension de l'usine existante. Et, pour le futur, le souhait que la 4e génération s'intègre et continue la saga « pour poursuivre le rêve et continuer à honorer la tradition familiale pour les 100 prochaines années ».

The Rose Factory à Agros @venus-rose

Photo de Une : La plupart des fleurs sont utilisées dans la distillerie pour la production de l'eau de rose et de l'huile essentielle de rose @venus-rose