Fin mars s'est tenu à Paris le sommet international SOS Océan, préambule à la Conférence des Nations Unies sur l'Océan, organisée à Nice du 9 au 13 juin prochain. Une occasion pour les ONG d’alerter, encore et toujours, sur les menaces qui pèsent sur toutes les mers. En cause, certaines méthodes de pêche comme le chalutage, qui placent les pays méditerranéens en première ligne. La Grèce voit ainsi sa pêche traditionnelle menacée de disparition.
Depuis plus de trois millénaires, les pêcheurs grecs sillonnent les eaux de la mer Égée et de la mer Ionienne, poursuivant une tradition au cœur de leur culture. Comment un métier qui a survécu à des guerres, des empires et des crises peut-il s'éteindre maintenant, au XXIe siècle ? La pêche traditionnelle grecque, qui nourrissait autrefois des générations et inspirait des mythes, lutte pour sa survie. Aujourd'hui, ce mode de vie est en voie de disparition : les jeunes se tournent vers d'autres choix professionnels et les poissons deviennent de plus en plus rares. Le constat est là, la population de pêcheurs professionnels a diminué de manière dramatique ces dernières décennies, tandis que la surpêche et la crise climatique ont conduit le secteur dans une impasse. La pêche peut-elle être sauvée ou risque-t-elle de devenir un souvenir romantique dans les guides touristiques ?
Un métier difficile
Panagiotis Karavetsos exerce la pêche à la ligne dans la mer Égée septentrionale depuis trente-sept ans. Il a commencé à l'âge de seulement 15 ans, à une époque où les conditions de travail étaient beaucoup plus difficiles. Aujourd'hui, dit-il, les bateaux ont été modernisés, le travail manuel a diminué, mais le plus gros problème est que les pêcheurs vieillissent et que les jeunes ne s'intéressent plus à ce métier.
« Je ne suis pas optimiste quant à l'avenir de la pêche dans le pays. Nous, les pêcheurs grecs, sommes déjà en nombre réduit. Les jeunes d'aujourd'hui recherchent un travail plus "normal", avec des horaires qui leur permettent d'avoir du temps libre et de sortir la nuit. La pêche nécessite un mode de vie complètement différent. Il faut se lever à 4 heures du matin et, après le travail, se reposer, afin que le lendemain, on ait l'esprit clair pour prendre les bonnes décisions en cas de tempête, sans mettre en danger notre vie et celle de ceux qui travaillent avec vous ».
Giorgos Lianos exprime également des inquiétudes concernant la viabilité de la profession, lui qui travaille comme pêcheur côtier depuis vingt-cinq ans. Parmi les 9 000 pêcheurs en mer côtière qui existent aujourd'hui en Grèce, près de 2 000 souhaitent abandonner leur métier. Un indicateur clair de la situation actuelle. « Le revenu est difficile à obtenir et de nombreux pêcheurs vendent leurs bateaux, car ils ne peuvent pas subvenir aux besoins de leur famille », indique-t-il. Lui-même pêche avec un petit bateau de six mètres dans le golfe d'Eubée sud et dans le Saronique. Ses revenus ne sont pas stables ; un jour, il peut gagner 500 euros et les vingt jours suivants, au maximum 30 euros, un montant qui souvent suffit à peine à payer le carburant.
Crise climatique
En plus du manque d'intérêt pour le métier et de l'insécurité économique qui l'accompagne, la crise climatique joue également un rôle important. L'augmentation de la température de la mer a pour conséquence l'invasion d'espèces exotiques provenant de l'océan Indien et du Pacifique, comme le poisson-lion (Pterois miles). « Ils consomment de grandes quantités de juvéniles, perturbant ainsi l'environnement dans lequel vivent les poissons locaux. Ils détruisent aussi les filets et les engins de pêche, ce qui entraîne de nouvelles dépenses », souligne Giorgos Lianos.
L'augmentation de la température des eaux affecte également la mer Égée septentrionale. Selon Panagiotis Karavetsos, cette année est difficile pour la morue, le denti, le mérou et la dorade. « L'ensoleillement intense observé même pendant les mois d'hiver ainsi que le changement de température de la mer éloignent les poissons. Ils recherchent ailleurs les conditions nécessaires à leur survie ». Il constate lui aussi l'arrivée d'espèces exotiques, notamment un type différent de crevettes, de couleur blanche, qui n'a rien à voir avec la crevette traditionnelle de la mer de Thrace. Pour l'instant elle ne menace pas les autres variétés régionales, mais cela inquiète les pêcheurs.
Tourisme de pêche
Ces dernières années, de nombreux pêcheurs traditionnels qui peinent à joindre les deux bouts avec leur travail se tournent vers le tourisme de la pêche (pescatourisme) comme source de revenus alternative. Il s'agit de permettre aux touristes de participer à des sorties avec des pêcheurs professionnels. Ceux-ci, non seulement observent le processus de pêche, mais participent souvent activement, apprenant les techniques et profitant de la mer. Pour s'engager dans ce domaine, les professionnels adaptent leurs bateaux en conséquence, les équipent de sièges confortables, d’ombrière, de moyens sûrs pour l'embarquement et le débarquement.
La pêche traditionnelle en Grèce, malgré les conditions difficiles qu'elle rencontre, reste une partie intégrante du patrimoine culturel du pays. Pour garantir sa viabilité et la revitaliser, des décisions politiques ciblées doivent être prises rapidement. Cela comprend l'établissement de réglementations environnementales strictes, le soutien aux artisans pêcheurs par des incitations économiques et l'investissement dans des technologies durables.

Photo de Une : Le bateau de Panagiotis Karavetes navigue en mer de Thrace© Panagiotis Karavetis