Alors que des chefs d’État, des diplomates, des ONG et des experts se retrouvent à Nice pour la 3e Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC3), Corlie Glémas, 28 ans, termine un périple engagé le long des littoraux et les ports méditerranéens pour faire entendre les voix oubliées, pêcheurs, moniteurs, sauveteurs… Isabelle Poitou, directrice de l’association MerTerre y portera un message : face à la pollution plastique, la donnée partagée est une arme précieuse…Natalie Quévert de Sea Index y présentera Le premier système de notation indépendant et transparent évaluant l’impact environnemental des super yachts de plus de 24 mètres. Son objectif est de promouvoir un yachting plus durable...

La chronique un monde fragile sera consacrée du 29 mai au 19 juin à la 3e Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC3). Elle sera en lecture libre sur les 22 pays du pourtour méditerranéen et en 11 langues grâce à notre partenaire la Région Sud.
Par Olivier Martocq
Dimanche, Nice accueillera le troisième sommet des Nations Unies pour l’océan (UNOC3), un événement majeur qui réunira chefs d’État, diplomates, ONG internationales et experts scientifiques. À l’écart des micros officiels, une jeune femme de 28 ans, Corlie Glémas, tente une percée citoyenne : faire entendre les voix de celles et ceux qui vivent la mer au quotidien, mais que la diplomatie oublie souvent.
L’appel d’une génération engagée
« Pourquoi faut-il une année spéciale pour parler de l’océan ? » s’interroge Corlie. Cette ancienne chargée de projets associatifs a quitté son emploi à Marseille pour se lancer dans un périple à travers la façade atlantique puis méditerranéenne. À vélo, en stop ou à pied, grâce au programme Sport Planète de la Maif, elle part à la rencontre des pêcheurs, sauveteurs, moniteurs de voile, agriculteurs côtiers… pour les écouter, comprendre leurs réalités et les relayer.

Son objectif : reconnecter la société aux savoirs du terrain et remettre l’humain au cœur de la gouvernance océanique. « Je veux porter la démocratie des gens dans la diplomatie des grands. »
Des ateliers de sensibilisation au recueil de témoignages
De la Vendée à la Côte basque, puis des calanques marseillaises jusqu’à la frontière italienne, Corlie a animé des fresques océanes, initié des discussions et surtout écouté. « Cette posture d’écoute est essentielle. Je ne sais pas tout. Mon rôle, c’est d’être une messagère. »
À Marseille, elle s’appuie sur un tissu associatif riche : Woman for Sea, Le Chant des Voiles, Watch the Sea… Des structures qui œuvrent à rendre accessibles la mer, la navigation, et les connaissances scientifiques. « Beaucoup d’activités nautiques restent très consuméristes. L’enjeu, c’est de redonner du sens et du lien. »
Symboliquement, entrer à la nage dans le Sommet
Alors qu’elle ne prendra pas la parole officiellement à l’UNOC3, Corlie a prévu une arrivée chargée de sens : elle rejoindra Nice… à la nage. Une « rando palmée » organisée avec l’association Watch the Sea et la fondation Pure Ocean, en compagnie de jeunes Marseillais issus des quartiers populaires. « On arrivera par la mer, comme un rappel : l’océan est vivant, il nous relie tous. »
Une démarche qui dépasse les frontières françaises
Si le parcours de Corlie est ancré en France, son message a une portée bien plus large. Partout autour de la Méditerranée, des femmes et des hommes vivent au rythme de la mer. Ils en tirent leur subsistance, leur identité, leur culture. Et partout, ces populations sont en première ligne face aux effets du changement climatique : montée des eaux, pollution, raréfaction des ressources halieutiques.
« Ce ne sont pas des voix faibles ou naïves, ce sont des voix expertes. Et elles doivent être entendues dans les décisions internationales. »
Une jeunesse qui agit là où les institutions peinent
À travers Parmi les voix de l’océan, Corlie incarne une nouvelle génération méditerranéenne qui n’attend plus les grands discours pour agir. Elle crée du lien, collecte la parole, et la transmet avec sincérité. Une démarche modeste, mais puissante, pour rééquilibrer les priorités. « Sans l’océan, il ferait 50 degrés sur Terre. Il est temps de le regarder comme un allié vivant. »
Des associations, des ONG présentent sur l’Espace Région Sud
Isabelle Poitou, directrice de l’association MerTerre, participe au Sommet mondial des océans. Elle y portera un message : face à la pollution plastique, la donnée partagée est une arme précieuse.
Depuis plusieurs années, MerTerre coordonne la plateforme Zéro Déchet Sauvage, un outil de science participative créé en partenariat avec le Muséum national d’histoire naturelle. L’objectif ? Centraliser et standardiser les données issues des ramassages citoyens afin de dresser un véritable tableau de bord de la pollution. « Ce n’est pas juste de la data. C’est un outil d’aide à la décision publique », insiste Isabelle Poitou. Avec plus de 700 structures inscrites – clubs de kayak, associations de quartier, plongeurs – la plateforme ambitionne aujourd’hui d’impliquer davantage les collectivités territoriales, seules à pouvoir agir efficacement sur l’espace public.
La participation de MerTerre au sommet est aussi l’occasion de promouvoir cette approche collective. Des débats sont prévus sur les déchets issus des bassins versants ou encore sur la consigne, présentée comme un levier pour redonner de la valeur aux objets et limiter leur abandon. « Si un déchet a une valeur, pourquoi le jeter ? », résume-t-elle.
Ce rendez-vous mondial est vécu par nombre de participants comme un temps fort pour resserrer les liens entre ONG, échanger sur les solutions et renforcer le maillage d’acteurs engagés en Méditerranée. « On crée un réseau qui a une vision globale de la situation. On a besoin de tous pour comprendre, mutualiser les solutions et les appliquer là où elles fonctionnent », conclut Isabelle Poitou.
Sea Index, la boussole carbone du yachting
Lancé en 2020 par le Yacht Club de Monaco, Sea Index propose une réponse inédite à un angle mort de la transition écologique : l’empreinte carbone des yachts de grande plaisance de plus de 24 mètres. L’association, qui présentera sa démarche au Sommet mondial des océans, s’appuie sur des méthodologies reconnues de l’Organisation maritime internationale (OMI) pour mesurer les émissions de CO2. « Aujourd’hui, un client achète une voiture avec un indice énergétique. Pour un yacht, ça n’existe pas. Nous voulons combler ce vide », explique Natalie Quévert, représentante de Sea Index. Après validation par une société indépendante (Lloyd’s Register), leur outil d’évaluation est désormais utilisé dans une vingtaine de ports, de Saint-Tropez aux Seychelles.
Le secteur du yachting, bien que représentant seulement 0,4 % des émissions de CO2 du transport maritime mondial, reste significatif : environ 6 millions de tonnes. Sea Index milite pour une transparence accrue, autant pour les armateurs que pour les territoires. L’objectif : favoriser l’accueil des navires les moins polluants dans les ports partenaires.
« On ne pointe pas du doigt. On propose une grille neutre et vérifiée pour encourager des choix éclairés », insiste Natalie Quévert, qui défendra également des indicateurs sur la pollution sonore. Avec le soutien de la Région Sud et de la métropole Nice Côte d’Azur, Sea Index tisse un maillage incitatif. Une initiative qui allie pragmatisme économique et exigence environnementale dans une industrie sous pression.

Photo de Une : Un super yacht dans une calanque de Palma de Majorque © Matias Mango