Israël

Des sacs à main en cuir de poisson, respectueux de l’environnement

L’industrie de la mode est l’un des plus grands pollueurs au monde, selon l’ONU. Le projet FISHSkin propose une alternative durable et respectueuse de l’environnement : utiliser la peau de poisson pour confectionner des sacs à main et des accessoires fashion.

Ori Topaz, créatrice spécialisée dans l'artisanat du cuir et chercheuse au CIRTex (Centre israélien David & Barbara Blumenthal pour l'innovation et la recherche) a participé au projet  FISHSkin, financé par l’UE et coordonné par le CIRTex.  Lancé en 2020, FISHSkin est un consortium de recherche regroupant des organisations de six pays différents (Japon, Israël, Angleterre, Italie, Islande et Suisse). Il s’agit d’un effort collaboratif entre dix organisations qui s’investissent pour promouvoir ce projet d’économie durable et circulaire. Le consortium est formé et soutenu par le cadre Horizon 2020 RISE (Research Innovation Staff Exchange). L'objectif est de transformer les sous-produits marins inutiles et ainsi développer la peau de poisson en tant que nouvelle matière première.

Grâce à cette initiative, Ori et son équipe du Shenkar College se sont associés au Dr Ira Farber, responsable du groupe de chimie de Kornit Digital Ltd (startup spécialisée dans l’impression textile), et ont déjà pu créer deux sacs. Le cuir de poisson est en effet plus résistant que celui de vache et sa transformation ne laisse pas la même empreinte carbone que celle du bétail. De sacrés atouts quand on sait que le textile compte parmi les plus polluantes au monde, après celle du pétrole et du gaz, avec 1,2 milliard de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par an. 

Ori Topaz, créatrice spécialisée dans l'artisanat du cuir et chercheuse au CIRTex @Achikam ben Yosef

“Nous avons présenté cette recherche innovante à l’UE en y apportant chacun nos compétences; j’ai montré comment produire un artefact à partir de peau de poisson. Tout au long de ma carrière, j’ai acquis énormément d’expérience dans le domaine de l’impression du textile, ce qui est primordial pour la réalisation des sacs. Le seul inconvénient de ce nouveau matériau, c’est qu’il nous parvient en petits morceaux et il est difficile de les assembler, mais c’est un défi que nous avons relevé avec brio”, déclare Ori Topaz. 

“Pour évaluer la pertinence du projet, l’UE mesure son impact et la façon dont on peut ensuite l’adapter à l’échelle nationale puis internationale. C’était donc pour nous un excellent challenge de prouver que malgré les contraintes liées à l’assemblage des peaux de poisson, cette solution est viable et peut être facilement commercialisée”, poursuit Ori. 

Transformer les déchets en accessoires de mode

FISHSkin démontre qu’il est envisageable d’exploiter de manière opportune un nouveau mode de création qui ne pollue pas la planète. La peau de poisson est généralement rejetée dans la mer, entraînant des millions de tonnes de détritus qui menacent les écosystèmes naturels. “Recycler un déchet qui est destiné à disparaître en un objet est selon moi la meilleure manière de rendre service à notre environnement et c’est crucial que la population en prenne conscience”, déclare Ori. 

Les deux sacs à main réalisés avec FISHSkin sont des prototypes. L’un est un sac seau qui a été fait à partir de six peaux de saumon tandis que le second est un sac à main classique conçu avec dix peaux. “Pendant toute la durée de la recherche, je me suis mis en tête que j’étais propriétaire d’une boutique qui venait d’ouvrir afin d’imaginer le concept susceptible d’attirer la clientèle la plus large possible », raconte Ori Topaz.

Concernant la matière première, la créatrice indique que « ce cuir peut être fabriqué à partir de la peau de n’importe quel type de poisson, mais nous nous sommes restreints à l’élevage issu de l’aquaculture”. Les peaux de saumon qui ont servi au projet ont été obtenues auprès de Nordic Fish Leather, une tannerie durable en Islande. Le saumon est le deuxième poisson le plus consommé au monde, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). 

De nouvelles opportunités plus vertueuses

La confection en peau de poisson présente des avantages considérables, du point de vue des techniques, mais aussi du processus de tannage qui est très court. On peut notamment obtenir un cuir en trois semaines environ, contre trois mois pour le cuir de bétail. Après le tannage, la peau se transforme en croûte, qui est ensuite teintée ou ornée de motifs.

“Nous avons réussi à convaincre que la mode a un avenir très prometteur en termes d’opportunités. Il ne s’agit plus uniquement de travailler à partir de matières conventionnelles, mais d’explorer de nouveaux supports de qualité, qui préservent la nature”, assure la jeune femme.

Elle révèle avoir reçu énormément de réactions bienveillantes et certaines fashionistas veulent déjà acheter ses sacs. Il leur faudra néanmoins attendre, FISHSkin est avant tout un projet de recherche et il va falloir attendre qu’une entreprise commerciale prenne le relais. La bonne nouvelle c’est que le prix du cuir de poisson est pratiquement équivalent au cuir de vache. “Ce projet fascinant est très inspirant pour les créateurs et je suis persuadée que l’industrie de la mode l'intégrera de manière pérenne d’ici quelques années”, espère Ori Topaz. 

@Achikam ben Yosef