Continent méditerranéen

Des drones pour nettoyer la Méditerranée de ses microplastiques

Une flotte de drones autonomes, capables de repérer, aspirer et cartographier les microplastiques dans la mer : c’est le pari fou d’un inventeur marseillais autodidacte soutenu par un entrepreneur du numérique. Après trois ans de recherche, leur projet entre en phase de déploiement, avec cinquante premiers prototypes mis à l’eau au large de Marseille d’ici la fin de l’année. Équipés de capteurs, ces drones miniatures et écolo-compatibles filtrent l’eau de jour comme de nuit, sans interruption. Ils stockent les particules et génèrent en parallèle une cartographie précise de la pollution marine. Objectif : prouver qu’une action en continu peut, à terme, dépolluer la Méditerranée.

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Des drones sous-marins pour nettoyer la Méditerranée de ses microplastiques
22-med – octobre 2025
• À Marseille, un inventeur autodidacte conçoit des drones marins capables de collecter les microplastiques 24h/24.
• Alliant innovation artisanale et entrepreneuriat numérique, le projet veut faire de la Méditerranée un laboratoire de dépollution robotisée.
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Par Olivier Martocq - journaliste

« Je voudrais, sans prétendre nettoyer les océans, laisser à mes filles quelque chose d’agréable », confie Jérôme Mercier. Né à Marseille, cet amoureux de la mer a longtemps travaillé dans l’électronique appliqué à l’événementiel avant de se lancer dans une aventure pour le moins ambitieuse : concevoir des robots marins capables de collecter les microparticules de plastique en continu. « C’est un projet né d’un mélange entre ma passion de geek et mon amour de la mer, explique-t-il. J’ai voulu créer des machines utiles, mais aussi poétiques. Ces petits robots qui nettoient la mer avec mes filles représentent un souvenir impérissable. »

Une armée miniature au service des océans

Les engins qu’il a imaginés ne dépassent pas cinquante centimètres. Autonomes grâce à des batteries solaires, ils communiquent entre eux sur une quinzaine de kilomètres, formant une véritable flotte connectée. « Leur seule mission, c’est de ramasser du microplastique, 24 heures sur 24 », résume Jérôme Mercier. Les robots patrouillent à la surface et jusqu’à soixante centimètres de profondeur - la zone où se concentre, selon ses observations - « la soupe de plastique » caractéristique de la Méditerranée.
Équipés de capteurs, ils filtrent l’eau, stockent les particules et génèrent en parallèle une cartographie précise de la pollution marine. « Ils produisent ce qu’on appelle des heatmaps, des cartes thermiques de la contamination. On sait ainsi, latitude et longitude à l’appui, où concentrer nos efforts », détaille-t-il. Des capteurs embarqués détectent les filets, les bateaux ou les vagues afin d’éviter collisions et pertes. Et lorsque les petits robots atteignent leur capacité maximale, ils sont vidés par de plus grands engins, les “conquérants”, véritables camions-bennes de la mer.

La conception de ces drones a aussi posé un défi écologique. « Je voulais que l’empreinte carbone du projet soit quasi nulle », souligne l’inventeur. Exit la fibre de verre : les coques sont désormais réalisées en plastique biodégradable. Si un robot venait à couler, seule l’électronique serait perdue.

"J’ai voulu créer des machines utiles, mais aussi poétiques"

L’intelligence artificielle comme chef d’orchestre

Pour coordonner cette flotte, Jérôme Mercier a conçu un système d’intelligence artificielle chargé d’analyser les données récoltées. « L’IA digère un volume monstrueux d’informations.  Elle détermine ainsi quelles zones prioriser, évite les conditions météo défavorables, et réoriente les robots. » Mais l’intérêt ne s’arrête pas à la logistique. L’IA a aussi une vocation pédagogique : traduire des données techniques en contenus lisibles pour le grand public, les décideurs et les chercheurs. « Quand un geek parle, souvent on ne comprend rien, sourit l’inventeur. L’IA permettra de rendre ce savoir accessible, de faire prendre conscience que même une eau limpide peut être saturée de microplastiques. »

Reste le passage, toujours très hasardeux, du prototypage à la preuve de concept, et notamment la viabilité financière d’un tel projet. C’est là qu’intervient Sami Chlagou, producteur de films et de jeux vidéo, à la tête de l’entreprise Cross The Ages. « Jérôme m’a touché par sa sincérité et sa vocation. Il ne voulait pas vendre une idée, mais réaliser un rêve utile, raconte-t-il. Mon rôle, c’est de lui donner les moyens de le concrétiser à grande échelle. » Sami Chlagou pilote désormais la commercialisation et la levée de fonds du projet, avec une ambition claire : « en faire un produit mondial ». Et pour cela, sortir des codes et méandres financiers classiques. La première phase de déploiement aura lieu à Marseille, avec cinquante robots mis à l’eau dans les deux mois à venir.

Une ambition planétaire

Le modèle économique imaginé par Chlagou se veut participatif. « Le grand public pourra acheter son propre robot  à un prix très compétitif, explique-t-il. L’idée, c’est de permettre à chacun de contribuer à la dépollution, d’avoir sa flotte, même modeste. » Le système s’inspire du monde du gaming dont il est un des acteurs majeurs aujourd’hui. Un classement mondial récompensera les robots ou flottes ayant collecté le plus de plastique. « Les marques, les institutions ou même les particuliers pourront sponsoriser des robots. On veut créer une émulation positive, une compétition vertueuse. » Le projet a déjà séduit plusieurs partenaires potentiels, des fondations environnementales aux instituts de recherche en passant par de grands groupes attirés par ce défi novateur. « Il y a un intérêt scientifique évident, confirme Chlagou. Ces robots peuvent fournir des données inédites sur la répartition du plastique dans les mers. »

Mais les deux hommes veulent aller plus loin. « Marseille est un point de départ, affirme Jérôme Mercier. Si on prouve que ça marche ici, on pourra répliquer la flotte partout : dans les ports, les lacs, les fleuves, les zones industrielles. » Entre la créativité artisanale de Mercier et la rigueur entrepreneuriale de Chlagou, l’alliance pourrait bien faire école.
« C’est la rencontre entre un geek et un stratège, résume l’inventeur. Moi, je bricole, lui, il structure. » Dans deux mois, les premiers robots prendront la mer. Et si la phase de test se révèle concluante, la Méditerranée pourrait bien devenir le laboratoire mondial de la dépollution robotisée. « On n’est pas dans la science-fiction, insiste Sami Chlagou. On est dans une révolution douce, marseillaise et concrète. »

Jérôme Mercier : inventeur autodidacte

Né à Marseille, ancien technicien dans l’événementiel, Jérôme Mercier a quitté l’école en terminale « faute d’informatique ». Passionné d’électronique, il conçoit depuis trois ans une flotte de drones marins autonomes capables de collecter et cartographier les microplastiques. Un projet nourri par l’amour de la mer et le désir de transmettre à ses filles une planète un peu plus propre.

Sami Chlagou : entrepreneur connecté

Producteur de films et CEO de Cross The Ages, univers transmédia mêlant blockchain et jeu vidéo, Sami Chlagou met son savoir-faire au service du déploiement international de la flotte de drones. À la fois investisseur et stratège marketing, il pilote la phase de levée de fonds et de commercialisation, convaincu que la technologie peut aussi réparer la mer.

Photo de Une : © Pexels - Pixabay