En Slovénie, un peu moins de la moitié de la population vit en dehors des zones urbaines. L’habitat en campagne est très dispersé et les transports en commun vont rarement jusqu’aux petits villages isolés. Les personnes âgées vivant seules ont donc souvent des difficultés à accéder aux services de santé, à se rendre à la poste, à la banque, ou à faire leurs courses… Pour les aider, le projet Sopotniki (co-passager) a vu le jour il y a dix ans : des bénévoles les conduisent là où elles ont besoin d’aller et mettent du lien social dans leur existence. Depuis, le réseau s’est étendu à travers le pays.
Marko Zevnik a déménagé il y a plus de dix ans dans un petit village du sud-ouest du pays, après ses études à Ljubljana. Mais il faisait toujours la navette vers la capitale pour travailler. « Des voisins plus âgés m’ont rapidement demandé si je pouvais les emmener à Divača, la première grande ville à proximité. Parfois, ils me demandaient de leur rapporter quelque chose de la pharmacie. Petit à petit, j’ai compris à quel point il est difficile de vivre à la campagne sans sa propre voiture et sans transports en commun. » C’est à ce moment-là qu’il a eu l’idée de Sopotniki et l’a présentée à ses amis.
Rompre l’isolement des personnes âgées
« Sopotniki a été lancé avec nos propres ressources, sans aucune aide. Nous avons acheté le premier véhicule, fondé l’association, constitué la première équipe de bénévoles grâce à nos connaissances et avons commencé à effectuer des transports », se souvient Zevnik. « Dès le début, nous sommes partis du principe que si un potentiel commercial existait vraiment, les transports seraient effectués par des chauffeurs de taxi ou autres. C’est pourquoi nous voulions créer un modèle solidaire et avons mis en place un réseau de bénévoles. »
Dans ces régions rurales, la population est clairsemée et les distances sont grandes, la mobilité est donc un problème important. Les services de Sopotniki sont principalement utilisés par les personnes âgées, surtout des femmes, qui vivent dans ces zones et n'ont pas leur propre voiture. « Il arrive souvent qu'un des conjoints ait un permis de conduire, généralement le mari. Lorsque des problèmes de santé apparaissent, voire même le décès, leurs épouses veuves se retrouvent coupées de tous les services », explique Zevnik.

Tout un écosystème impliqué
Après quelques articles positifs dans les médias, l’existence des Sopotniki est devenue célèbre dans tout le pays et, aujourd’hui, 19 autres villes slovènes ont adopté ce système, mobilisant 305 bénévoles actifs. De leur côté, les municipalités jouent un rôle important dans le projet, couvrant les frais des voitures (entretien, essence ou encore péages) et fournissant des coordinateurs locaux que les personnes âgées peuvent appeler lorsqu'elles ont besoin d'un transport.
« Nous ne voulions pas établir un centre d’appels centralisé, mais préférions être présents localement », explique Zevnik. « Le coordinateur prend l’appel de l’utilisateur, effectue la réservation du transport et remet les clés de la voiture au bénévole à la date et à l’heure convenues. Il est généralement employé par la municipalité, la branche locale de la Croix-Rouge ou le Centre d’action sociale. »
« Les bénéficiaires âgés demandent parfois aux bénévoles d’agir en leur nom. Par exemple pour prendre rendez-vous pour leur prochain examen médical. Dans certains cabinets, ils savent déjà que le patient est venu grâce à Sopotniki. Avant de lui fixer un nouveau rendez-vous, ils nous appellent pour vérifier s’il pourra être accompagné à ce moment-là. »
La préservation des liens sociaux au cœur du projet
Les aidants appartiennent à différentes générations, la plupart étant de jeunes retraités qui souhaitent rester actifs en s’impliquant dans leur environnement social. Au fil du temps, de nombreux sponsors ont par ailleurs rejoint le projet, et les restaurateurs locaux offrent généralement gratuitement un café ou un déjeuner aux bénévoles les jours où ils assurent les transports.
Au cœur de l’idée du projet Sopotniki se trouvait également la préservation des liens sociaux avec les personnes âgées, mais dans la pratique, les besoins en transports vers les services de santé se sont avérés plus urgents. Néanmoins, l’association veille attentivement à proposer également des transports pour des choses plus "informelles" comme des sorties ou du théâtre.
Au centre culturel Kosovelov domu à Sežana, les personnes âgées sont également encouragées à participer à des événements. Si elles sont intéressées, le transport est organisé. « C’est le cas des matinées cinématographiques. Nous organisons ces sorties pour créer du lien social et permettre aux personnes seules d’égayer leur quotidien.Pendant le trajet, des amitiés se nouent également. Il arrive souvent qu’un bénéficiaire nous appelle pour proposer une visite ou d’assister à un concert et suggère d’appeler également la dame avec qui il a voyagé la dernière fois, se réjouit Zevnik. Les personnes âgées sont souvent prisonnières de leurs maisons à la campagne, elles ont du mal à sortir. Nous sommes donc très heureux de les inviter pour des sorties culturelles et de les voir s’encourager mutuellement ».
