De nouvelles ressources pour l'agriculture #2
Dans le sud de la France des ingénieurs agronomes aident les agriculteurs à adapter leurs pratiques aux nouvelles contraintes climatiques et trouver des sources de revenus complémentaires. Par exemple en les incitant à cultiver pistachiers et oliviers, des essences plus résistantes.
De bonnes chaussures aux pieds, la casquette vissée sur la tête, bloc-notes et outils de mesure à la main, l’ingénieure agronome, Kahina Baha arpente un champ sec où la vigne règne. À ses côtés, une représentante de l’association des producteurs bio de la région, le Biocivam 11.
Sur un petit hectare, des arbustes côtoient les ceps : des pistachiers, plantés en janvier 2023. Les deux femmes les observent sous toutes les coutures : leur développement, le diamètre du tronc, la pousse des mois écoulés depuis leur dernière visite. Elles notent consciencieusement les chiffres obtenus, leurs impressions. Cette parcelle est l’un des terrains pilotes d’un projet financé par l’Agence de l’eau et la Région Occitanie. L’objectif est d’étudier plusieurs espèces arboricoles, dont le pistachier. Il leur faut obtenir des données pour mieux accompagner les agriculteurs engagés dans la diversification des cultures.
D’autres parcelles sont investies ailleurs dans la région. Ce déploiement géographique est intéressant car les conditions climatiques diffèrent entre les divers points. Cela permet de recueillir des renseignements plus fournis et localisés. Kahina Baha apporte son expertise technique dans cette opération à travers Confian’Sol, sa petite entreprise, créée en mai 2022 à Carcassonne.

Un végétal bien adapté au stress hybride, thermique et lumineux
L’ingénieure agronome n’en est pas à ses premières expériences. Très sensible à la cause agricole, elle intervient auprès des exploitants désireux d’adapter leurs cultures à un changement climatique inéluctable. Cela suppose de laisser derrière soi les pratiques ancestrales et la monoculture traditionnelle. De se tourner vers d’autres modes de production plus économes en ressources naturelles et respectueux de l’environnement et, à terme, sources complémentaires de revenu.
« C’est un investissement et un changement énormes pour une profession souvent peu considérée », souligne Kahina Baha, qui a baigné très tôt dans ce milieu par l’intermédiaire de ses aïeux paysans. « Ce n’est pas normal qu’en 2024, bon nombre de nos exploitants n’arrivent pas à joindre les deux bouts. C’est aussi pour cela que j’ai voulu contribuer à ma façon au virage qui s’impose ».
Le pistachier s’adapte bien au climat du pourtour méditerranéen, sec et aride. Il a besoin de températures hautes et d’heures de froid. C’est-à-dire en dessous de 10 degrés, ce qui est crucial pour assurer une croissance adéquate. L’arbre tolère un certain nombre de maladies et résiste assez bien aux stress hydrique, thermique et lumineux propres aux aléas climatiques. « Il a besoin d’être irrigué les trois premières années, mais ensuite il n’est pas gourmand en eau », précise la diplômée de l’École nationale supérieure agronomique de Toulouse (ENSAT)
Des arbres qui nécessitent peu d’eau
Le pistachier intéresse beaucoup les viticulteurs du coin. Le fruit des variétés italiennes et grecques (Egine, Napolitaine, Pontikis, Sirora, Larnaka) – et de la variété iranienne plantée sur la parcelle de Rieux-Minervois (Avdat) – est réservé à la pâtisserie. Les pistachiers, dont le fruit est produit pour le snacking, sont de plus gros calibres et réclament plus d’eau. En Provence, la culture de l’arbre originaire du Moyen-Orient est déjà bien relancée. Le Languedoc-Roussillon prend la même voie, épaulé par le syndicat France Pistache, dont Kahina Baha est l’un des membres du conseil d’administration.
La culture de l’olivier est aussi une alternative pour faire face aux aléas climatiques et économiques. « C’est un arbre que l’on trouve beaucoup en région Provence et dans la partie est de l’Occitanie. Il se plie très bien aux conditions de temps du pourtour méditerranéen », explique-t-elle. L’olivier contribue à limiter les effets du réchauffement climatique grâce à son effet puits de carbone. Ses besoins hydriques sont très modestes. Une oliveraie d’un hectare nécessite 800 m3 d’eau par an contre 3 500 pour la même surface de céréales. Le fruit récolté peut servir à la consommation directe (conserves, commerces de primeurs…), à la fabrication d’huiles. Mais aussi de biocarburant via le noyau à l’instar de ce qui est déjà expérimenté en Espagne.
La jeune femme est d’ailleurs impliquée dans un projet de ferme de 150 hectares, dont 50 de forêts et 100 d’oliveraies de quatre variétés différentes au cœur du Pays Cathare.
Outre son expertise, Confian’Sol, la structure de Kahina Baha, ambitionne de sensibiliser à la cause et au monde agricole le jeune public des collèges et lycées, ainsi que le milieu associatif. « J’aimerais également être une passerelle qui favorise le rapprochement entre les migrants et l’agriculture dans un souci d’apport mutuel et d’intégration. Il y a tant à faire pour les uns et les autres ».

Photo de Une : De jeunes plants de pistachiers sont plantés à Rieux-Minervois © P.Guipponi