Slovénie

Après les incendies de forêt, comment rendre plus résistants les nouveaux arbres ?

Les incendies dus aux étés de plus en plus chauds et secs en Méditerranée représentent une menace sérieuse pour la nature. La Slovénie a été touchée par le plus grand incendie de son histoire en juillet 2022, avec 3500 hectares de terres brûlés, dont 2700 hectares de forêt. Aujourd'hui, une intense restauration est en cours, avec un programme de reforestation. Le partenariat entre les institutions publiques, les propriétaires forestiers et les particuliers teste de nouvelles méthodes de plantation d'arbres recourant à l'hydrogel et aux champignons mycorhiziens, dans l'espoir d'augmenter la survie des jeunes plants dans ce paysage rocheux avec un sol peu profond.

Vers la fin des années 1990, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a alerté sur le nombre moyen annuel d'incendies de forêt dans les pays méditerranéens, deux fois plus élevé qu'il ne l'était dans les années 70. Des forêts qui ont poussé pendant des décennies, voire des siècles, sont détruites par le feu en quelques heures.

L'été 2022 a été l'un des plus chauds de l'histoire des mesures en Slovénie. Dès le début juillet, l'Agence de l'environnement slovène émettait un avertissement de risque d'incendie élevé et deux semaines plus tard, un incendie se déclarait dans la région du Karst de Gorizia, dans l'est du pays. 20 000 personnes ont été mobilisées pour le combattre, les flammes ont encerclé des villages, mais il n'y a pas eu de victimes. Il reste cependant un énorme site brûlé… où, depuis l'automne 2022, une intense restauration de la forêt est en cours.

La restauration de la forêt du Karst est très exigeante en raison des longues périodes de sécheresse caractéristiques de cette région, du terrain rocailleux, du sol peu profond et de l'érosion. La survie des jeunes plants d'arbres est souvent faible. Un plan stratégique complet de restauration de la forêt a été élaboré par l'Institut slovène des forêts, dans le cadre duquel des essais de nouvelles méthodes de reboisement avec des hydrogels et de la mycorhize sont en cours.

De l’utilité des champignons…

L'hydrogel (1) est un granulé qui ressemble à du polystyrène concassé. Il est placé dans le sol, sous la plante d'arbre, juste avant sa plantation. Les granulés absorbent l'eau pendant la pluie, la retiennent et la libèrent ensuite dans le sol près des racines pendant les périodes de sécheresse. "En théorie, cela pourrait très bien fonctionner, mais seule l’expérimentation permettra de voir ce qui fonctionne le mieux. Nous voulons surtout que le plus grand nombre de plantes survivent. Il est également possible que les plantes s'habituent au printemps à une meilleure humidité et subissent ensuite un stress encore plus grand lors de la sécheresse estivale" explique Boris Rantaša de l'Institut forestier slovène.

Une poignée d’hydrogel retenant l’humidité est saupoudrée dans un trou sous un semis d’arbre @ Boris Rantaša, Slovenian Forestry Institut

La mycorhization est une association symbiotique entre les champignons et les racines des plantes. Les champignons mycorhiziens colonisent les racines des plantes, formant un réseau étendu appelé "mycélium". Ce réseau permet aux plantes de mieux absorber l'eau et les nutriments du sol. En échange, les champignons reçoivent des hydrates de carbone produits par la plante. Cela améliore la croissance et la santé des plantes, les aidant à mieux résister aux maladies et au stress environnemental.

La mycorhize est une symbiose entre les champignons et les racines des plantes. Les champignons fournissent aux plantes du phosphore, de l'azote et de l'eau pendant les périodes de sécheresse, la symbiose entre les champignons et les plantes leur permettant à tous deux d'avoir une meilleure chance de survie. Pour les besoins de l'expérience mentionnée, un mélange spécial de champignons ectomycorhiziens a été utilisé, appliqué sur les racines en les trempant dans une boue. "La méthode est très simple, mais si elle s'avère efficace, elle pourrait être très utile sur le terrain" estime Rantaša.

Une expérimentation avec plus de 1600 chênes

Dans l'expérience, plus de 1600 plants de chêne tauzin ont été plantés ensemble. Environ un quart des plants ont des granules d'hydrogel sous leurs racines, un quart des plants ont été trempés dans un mélange de mycorhizes, un quart des plants ont une combinaison d'hydrogel et de mélange de mycorhizes, le dernier quart a été planté sans rien et sert de groupe témoin.

"Nous aimerions améliorer la survie des plants. La restauration de la forêt coûte de 10 000 à 20 000 euros par hectare, voire plus, c'est donc important que cela réussisse. La forêt finirait par se régénérer naturellement dans cette région. Mais nous en avons besoin le plus tôt possible, surtout nous, les humains", explique Rantaša. "Car la forêt a un impact sur la qualité de l'air, refroidit l'atmosphère, absorbe le dioxyde de carbone, prévient l'érosion, retient l'eau dans le sol, produit du bois et offre un espace pour la récréation… pour ne citer que quelques-uns des avantages qui profitent à l'homme. On ajoutera qu’elle offre aussi un habitat à nombre de plantes et animaux."

Les racines de certains plants sont placées dans un coulis de boue avec un mélange mycorhizien @ Boris Rantaša, Slovenian Forestry Institut

Rantaša souligne encore que ce type d'initiative est très important en termes d'adaptation aux changements climatiques, car elle est mise en œuvre dans le cadre d'un partenariat réunissant des institutions spécialisées (Institut forestier de Slovénie et Institut forestier), trois entreprises privées (Pépinière Štivan, Cornus et RGA recherche génétique et agrochimie) et des propriétaires forestiers. «Je pense que de tels partenariats sont très importants, tout comme le fait de tester quelque chose en pratique. Il n'est pas nécessaire que toutes les méthodes fassent partie de grands programmes de recherche soutenus financièrement, même si c’est une partie extrêmement importante de la solution. Il est important d'inclure également la population locale dans les expériences. En même temps, l'histoire montre régulièrement que des découvertes importantes sont faites lors de simples essais ou par accident. Je tiens néanmoins à souligner que tout le monde ne peut pas mener des expériences et que des institutions spécialisées veillent ».

Rantaša était également présent lors de l'incendie le plus important en Slovénie en juillet 2022. «Ce sont vraiment des histoires difficiles, surtout pour la population locale, mais aussi pour les forestiers et les travailleurs forestiers qui plantent des arbres dans certaines zones depuis 30 ans. Puis tout brûle en deux jours. Ensuite, il faut recommencer et chercher de nouvelles méthodes...» conclut Rantaša. Il espère donc que l'essai avec l'hydrogel et la mycorhize donnera de bons résultats.

(1) Un hydrogel est un réseau tridimensionnel de polymères hydrophiles qui a la capacité de retenir une grande quantité d'eau dans ses structures.
Les expérimentateurs ont attaché les plants d'arbres aux roues marquées de couleurs @Boris Rantaša, Slovenian Forestry Institut
Photo de Une : En juillet 2022, la Slovénie a été touchée par le plus grand incendie de l'histoire @Boris Rantaša, Slovenian Forestry Institut