Continent méditerranéen

Reconditionner et recycler, deux réponses au défi des smartphones usagés

Face à l’explosion des déchets numériques, deux réponses émergent de part et d’autre de la Méditerranée. En France, le reconditionnement industriel des smartphones s’impose comme un levier concret de réduction de l’empreinte environnementale et de création d’emplois locaux. À Tel-Aviv, des solutions technologiques tentent de structurer le recyclage des déchets électroniques. Deux approches complémentaires d’une même urgence écologique.

Durant la période des fêtes de fin d’année, 22-med croise et met en perspective des solutions ayant fait l’objet d’articles dans le média français Marcelle avec des articles sur la même thématique parus dans 22-med.

Le reconditionné est-il l’avenir du smartphone ?

Résumé de l’article de la journaliste Paola Da Silva, publié dans Marcelle le 17 novembre 2025

Présent dans les poches de plus de 90 % des Français, le smartphone est devenu un objet du quotidien aussi indispensable que problématique sur le plan environnemental. Face au poids climatique de sa fabrication, le marché du reconditionné s’impose comme une alternative crédible. À Nantes, l’entreprise Largo défend un modèle industriel français, fondé sur l’économie circulaire et l’emploi local.

En France, le smartphone est entré dans une phase de maturité. Les ruptures technologiques se font rares, les designs se ressemblent, et la durée d’usage des appareils s’allonge. Les consommateurs conservent désormais leur téléphone environ 36 mois en Europe, contre 24 mois il y a encore deux ans. Une évolution favorisée par plusieurs facteurs : la baisse du pouvoir d’achat, une prise de conscience environnementale croissante et la loi REEN votée en 2022, qui limite l’obsolescence logicielle programmée.

Dans ce contexte, le reconditionné progresse rapidement. En 2023, 13,2 millions de smartphones neufs ont été vendus en France, contre plus de 20 millions en 2016. Pour Christophe Brunot, cofondateur de Largo, cette dynamique est structurelle, le reconditionné répond à une demande durable, et non à un simple effet de mode.

Structurer une filière industrielle du reconditionné

Créée en 2016 à Sainte-Luce-sur-Loire, près de Nantes, l’entreprise Largo est née d’une activité initiale de réparation de smartphones. Très vite, ses fondateurs identifient un manque, l’absence de garanties sur les plateformes de seconde main entre particuliers. Ils font alors le choix de structurer un reconditionnement industriel, avec des process standardisés et un contrôle qualité renforcé.

Aujourd’hui, tous les smartphones traités par Largo sont réparés sur son site nantais. Si l’approvisionnement en appareils et en pièces détachées reste international, l’ensemble des opérations de reconditionnement et de service après-vente est réalisé localement. Ce positionnement implique des coûts légèrement supérieurs à ceux de certains concurrents, mais garantit réactivité et fiabilité sur un marché exigeant.

Réduire l’impact environnemental, créer de l’emploi local

Selon l’ADEME, 99 % de l’empreinte carbone d’un smartphone provient de sa fabrication. Le reconditionnement permet de réduire cet impact jusqu’à huit fois par rapport à un appareil neuf, avec 82 kg de matières premières économisées et 87 % d’émissions de gaz à effet de serre en moins. Il permet aussi d’importantes économies d’eau et limite la production de déchets électroniques.

Chez Largo, 85 % des batteries sont recyclées, et certains composants sont valorisés via des partenariats associatifs. L’entreprise revendique également un impact social fort . Passée de quatre salariés à ses débuts à 87 aujourd’hui, elle a mis en place une formation interne dédiée aux métiers du reconditionnement. Forte d’une croissance de 65 % en 2023, Largo estime qu’un smartphone sur deux vendu en France pourrait être reconditionné d’ici quinze ans, à condition de poursuivre un développement maîtrisé et ancré localement.

Tous les smartphones récupérés sont réparés dans l’usine de Nantes par une équipe dédiée © Atypix

Comment recycler les déchets électroniques de Tel-Aviv ?

Résumé de l’article de la journaliste Caroline Haïat publié dans 22-med le 12 novembre 2025

Capitale technologique du Moyen-Orient, Tel-Aviv incarne l’excellence numérique israélienne. Mais derrière cette réussite se cache une réalité moins visible, le nombre grandissant des déchets électroniques, en particulier des smartphones. Face à un système de collecte encore fragmenté, la start-up Get-RE propose une approche innovante pour transformer ces rebuts numériques en ressources et structurer une véritable économie circulaire.

Israël produit près de 100 000 tonnes de déchets électroniques chaque année. Téléphones, ordinateurs, batteries et cartes électroniques s’accumulent dans les décharges ou à proximité des habitations, et Tel-Aviv, ville jeune et hyperconnectée, en concentre une part importante. Cette situation reflète un paradoxe, un pays à la pointe de l’innovation technologique, mais encore en retard sur la gestion environnementale de ses équipements numériques.

À l’échelle mondiale, plus de 60 millions de tonnes de déchets électroniques sont générées chaque année, dont moins de 20 % sont correctement recyclées. En Israël, la collecte reste incomplète et la traçabilité incertaine, malgré l’existence depuis 2012 d’une loi sur la responsabilité élargie des producteurs. Faute de moyens suffisants et de coordination efficace, le secteur demeure morcelé, limitant l’impact réel des dispositifs existants.

Get-RE : rendre le recyclage simple et attractif

C’est dans ce contexte qu’est née Get-RE, fondée à Tel-Aviv en 2015. L’entreprise a développé un automate capable de racheter, recycler ou échanger les téléphones usagés directement en magasin. En quelques minutes, l’utilisateur peut déposer son appareil, recevoir un crédit immédiat et avoir la garantie qu’il sera réutilisé ou reconditionné.

Pour son fondateur, Itzik Chayun, le principal frein au recyclage réside dans la complexité du système. En transformant un geste contraignant en opportunité économique, Get-RE cherche à modifier les habitudes. L’enjeu est aussi stratégique. Un million de smartphones recyclés permet de récupérer des quantités significatives de métaux précieux, tout en réduisant la pression exercée par l’extraction minière.

La technologie au service de l’économie circulaire

Selon Get-RE, plus de 85 % des composants d’un smartphone peuvent être réutilisés ou recyclés. Le reconditionnement permettrait de réduire jusqu’à 80 % la consommation de matières premières et d’économiser en moyenne 55 kg de CO₂ par appareil. À grande échelle, ces gains environnementaux deviennent déterminants.

L’entreprise mise également sur l’intelligence artificielle pour évaluer l’état des téléphones et sur la blockchain pour assurer la traçabilité des appareils. En parallèle, les pouvoirs publics israéliens annoncent des plans pour renforcer la collecte et moderniser les infrastructures. Pour Itzik Chayun, la clé reste toutefois la simplicité "lorsque le recyclage devient accessible et valorisant, il peut s’imposer comme un réflexe". À Tel-Aviv, la technologie pourrait ainsi devenir un levier majeur de transition écologique

l'automate Get-RE permet aux consommateurs de recycler, vendre ou échanger leurs anciens téléphones contre un modèle reconditionné © Get-RE