Continent méditerranéen

Cosmétiques : des déchets du riz, alternative verte à la pétrochimie

Au sud de Valence, dans la région de l’Albufera, une jeune entreprise franco-espagnole transforme les résidus du riz en ingrédients cosmétiques haut de gamme. Fondée par le chimiste Jérôme Abrahmi, RB Process mise sur une technologie d’extraction au CO₂ supercritique, sans solvants, pour produire des huiles naturelles aux propriétés antioxydantes et protectrices. Surtout, ce projet circulaire offre une alternative à l’hexane, ce solvant cancérigène dérivé du benzène, encore largement utilisé dans la cosmétique.

Par Olivier Martocq - Journaliste

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Cosmétiques : des déchets du riz, alternative verte à la pétrochimie
22-med -octobre 2025
Un nouveau process industriel transforme des résidus du riz en ingrédients cosmétiques haut de gamme.
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Le pari est autant industriel qu’écologique. Il s’agit d’ancrer la chimie verte dans les terroirs agricoles méditerranéens, notamment ceux qui produisent du riz. « Nous récupérons le son, déchet agricole aujourd’hui destiné à l’alimentation porcine, auprès des producteurs de riz », explique Jérôme Abrahmi, chimiste et fondateur de RB Process. Le procédé, breveté, utilise du dioxyde de carbone comprimé en phase supercritique pour extraire les molécules actives du riz — sans recours à l’hexane ni à d’autres solvants pétrochimiques largement utilisés dans la cosmétique. « Nous consommons du CO₂ que nous comprimons et réutilisons, poursuit le chimiste. Au plan environnemental, on est nickel. »

Une alternative à la chimie du pétrole

Pour son inventeur, cette innovation n’est pas qu’un procédé technique : c’est une rupture dans la manière même de concevoir la chimie. « On propose une alternative à l’hexane, ce solvant dérivé du benzène, cancérigène, mais encore largement utilisé dans la cosmétique, rappelle-t-il. C’est la fin d’un modèle. Ce que nous faisons avec les déchets du riz, on peut le faire avec ceux de la tomate ou de l’huile d’olive. Pour moi, c’est le futur de la chimie : utiliser les déchets alimentaires pour remplacer les produits issus du pétrole ». Chaque étape du process - fraisage, stabilisation, extraction, fractionnement - a été pensée pour une production locale, sobre en énergie et compatible avec la certification Ecocert en cours d’obtention.

Une technologie circulaire et sans déchets

Autre intérêt de ce process : il s’inscrit dans l’économie vertueuse du zéro déchet. L’huile extraite devient un ingrédient cosmétique actif, la cire est utilisée dans le maquillage, les acides gras libres entrent dans la formulation de savons ou de détergents, et les résidus solides servent à fabriquer Biocomposites et exfoliants naturels. « C’est un projet complètement circulaire : tout ce qu’on génère, on le remet dans le circuit, que ce soit pour la cosmétique ou le plastique bio », résume Jérôme Abrahmi. Dans les documents envoyés aux plus grandes marques de cosmétiques pour les inciter à adopter cette nouvelle technologie, on apprend que les huiles issues de ce procédé contiennent un actif naturel : le gamma-oryzanol, antioxydant puissant aux propriétés anti-âge, anti-inflammatoires et photoprotectrices. Qu’elles sont riches en tocophérols (vitamine E), stimule la production de collagène et améliore la fermeté de la peau et renforce la protection solaire naturelle. « Ce sont des huiles sans additifs, ni adjuvants, tellement concentrées qu’on ne les applique pas pures, se félicite Abrahmi. On les incorpore dans des crèmes ou des sérums. Leur texture est très soyeuse, très riche, sans être grasse. »

La première usine à Valence, un modèle pour la Méditerranée

Après le temps de la recherche et celui des brevets, voici venu celui de la phase industrielle. RB Process prépare aujourd’hui une levée de fonds de 10 millions d’euros pour lancer la production. « Nous cherchons à industrialiser sans construire une usine de plus », explique Jérôme Abrahmi. Car nous préférons nous appuyer sur une infrastructure existante, dans un institut technologique près de Valence, et y intégrer nos équipements brevetés. » L’unité traitera la biomasse dans un rayon de 20 kilomètres, limitant les transports et les émissions.
« Quand on travaille avec la biomasse, on parle de volume. Dix kilos de son de riz donnent à peine deux kilos d’huile. C’est pourquoi il faut produire localement, en circuit court. »

Alors que le siège de l’entreprise est installé à Marseille, la production s’effectuera donc hors de France, car « malheureusement, la production française de riz en Camargue, notamment, a beaucoup décliné et présente un problème d’arsenic lié à un siècle de déversement de pesticides. Nous nous sommes donc tournés vers la région de l’Albufera, près de Valence ». L’entreprise y collabore avec des meuneries locales pour collecter et stabiliser le son de riz avant extraction. RB Process entend ensuite dupliquer ce modèle dans d’autres régions rizicolesméditerranéennes, notamment en Italie. Puis, à terme, au Maghreb et en Égypte, où le riz demeure une ressource majeure. « Ce qu’on fait avec le riz espagnol, on pourrait le faire avec les déchets d’olives tunisiennes, les peaux de tomates italiennes ou les pépins de raisin provençaux. La Méditerranée regorge de biomasse sous-utilisée. Il suffit de la regarder autrement. Notre mission, c’est de créer des écosystèmes, pas des usines isolées, mais des réseaux de valorisation locale, qui transforment les déchets en matières premières de qualité. » Après sept années de recherche et développement, dix-huit essais pilotes, quatre productions semi-industrielles et une technologie brevetée, RB Process espère convaincre les principaux groupes de cosmétique (de Chanel à Caudalie, en passant par le japonais SK-II) de recourir à cette innovation scientifique qui entrelace agriculture durable et savoir-faire industriel.

Rizières en Espagne © geertwillemarck - Pixabay

Jérôme Abrahmi est le co‑fondateur et dirigeant de RB Process SA (Suisse-France-Espagne) – Innovation circulaire dans les ingrédients cosmétiques

La société a développé un procédé breveté d’extraction au CO₂ supercritique d’huiles et cires issues du son de riz et se positionne sur les marchés premium (cosmétique anti‑âge, photoprotection, soins régénérants).

Dirigeant de Bio-Gravity qui développe des technologies innovantes pour la valorisation de biomasses et extraction de molécules actives pour la nutrition spécialisée (compléments alimentaires). Collaboration avec des partenaires industriels et académiques pour accélérer la mise sur le marché d’antioxydants puissants pour les maladies neurodégératrices à partir de résidus de production d’huile d’olive et d’Anti-inflammatoires avec capacité à faire baisser les taux de PSA dans les pathologies liées à la prostate.