À La Rochelle, l’association Écho-Mer donne une seconde vie aux bouchons en liège de la côte atlantique. Transformés en matériaux isolants, ils deviennent béton ou enduits pour l’écoconstruction. De la mobilisation citoyenne aux partenariats industriels, la filière s’impose comme un modèle local de recyclage et d’innovation durable, tout en sensibilisant les habitants à une mer mieux protégée.
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Du béton isolant issu du liège des bouchons
22-med – septembre 2025
• À La Rochelle, Écho-Mer transforme les bouchons en liège en béton isolant pour l’éco-construction.
• Une filière citoyenne et industrielle qui réduit l’impact carbone et inspire la région.
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Depuis 2012, Écho-Mer déploie une filière complète de collecte et de valorisation des bouchons en liège. Une idée chère à David Beaulieu, ex-marin convoyeur de bateaux de course, fondateur et directeur de l’association. Ce projet d’économie circulaire, reconnu par les collectivités, repose sur un réseau local structuré, de multiples partenariats et une logique d’essaimage régional.
Le ramassage des bouchons constitue l’une des principales activités de l’association Écho-Mer basée face au bassin des chalutiers sur le port de La Rochelle. Pour cela, elle mobilise de nombreux bénévoles, en particulier ceux d’une structure d’insertion qui accompagne des personnes « éloignées de l’emploi ». Ou encore les facteurs, dans le cadre d’un partenariat avec La Poste de la commune de Saintes.
Environ 700 points de collecte ont déjà été mis en place dans le cadre de cette campagne . Dans les restaurants, les commerces de proximité et les magasins bio de Charente-Maritime. Chez les cavistes. « Pour gérer tout ça, il faut obligatoirement passer par un calendrier établi très en amont, comme pour les poubelles, avec un rappel mensuel avant chaque passage », explique Nathalie Daniel, responsable de projet chez Écho-Mer.
Un réseau citoyen pour collecter les bouchons
Le ramassage s’effectue quatre fois par an, secteur par secteur. Chaque collecte permet de récupérer environ 500 kg de bouchons, soit quelque 125 000 unités triées ensuite par des bénévoles. Les bouchons peuvent également être déposés dans des corbeilles dédiées au sein d’une quarantaine de déchetteries gérées par l’Esat (1) La Navicule Bleue. En cumulé, 10 tonnes de bouchons sont désormais repêchées chaque année, contre seulement 2 tonnes il y a cinq ans.
Écho-Mer a commencé à structurer la filière locale de recyclage des bouchons avec l’idée de les transformer en matériau d’isolation. Un projet soumis ensuite à la Région Nouvelle-Aquitaine, à l’ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie en France) et au consortium « La Rochelle Territoire Zéro Carbone ». Les financements obtenus ont alors permis de créer des emplois permanents et de développer le projet global.
Du liège broyé au béton isolant
L’entreprise Ovive, spécialisée dans le broyage de coquilles d’huîtres pour l’alimentation des poules, s’est équipée d’un broyeur spécifique de liège. La fine de liège constituée de grains fins jusqu’à 3 mm est utilisée sous forme d’enduit comme correcteur thermique, phonique, imputrescible, ignifuge, résistant aux rongeurs et à l’humidité. Les miettes de bouchons de 3 à 15 mm mélangées à l’eau et la chaux naturelle servent à fabriquer du béton isolant, en partenariat avec les Chaux Saint-Astier, une Entreprise du Patrimoine Vivant. Les produits sont désormais distribués dans trois magasins de matériaux écologiques de la région.
« La filière est en place et elle tourne. Ce broyat plus écologique a déjà permis d’équiper l’équivalent de 6 à 7 maisons de 100 m², précise Nathalie Daniel. Cette activité n’a pas vocation à générer du profit. Juste à recycler des déchets pour diminuer l’impact carbone grâce à une filière viable. Et tout ce que l’on produit actuellement est vendu. Nous aimerions maintenant proposer une prestation d’accompagnement pour transmettre l’idée à d’autres départements de la région Nouvelle-Aquitaine ».
Par ailleurs, ces éco-matériaux servent dans des chantiers à vocation pédagogique. L’association Shamengo, fondée par la journaliste Catherine Berthillier, a ainsi intégré le béton de liège d’Écho-Mer dans un chantier collaboratif de formation au développement durable. Ce site pilote vise à sensibiliser aux pratiques de l’éco-construction et à valoriser des matériaux recyclés.
Le cognac et ses rebuts, une nouvelle ressource
Depuis quatre ans, Écho-Mer travaille également avec la maison de cognac Rémy Martin pour valoriser les rebuts de bouchons du spiritueux charentais. Un protocole a été mis au point pour séparer le liège des têtes en plastique en les plongeant dans un bain d’eau chaude. Le bouchon ainsi récupéré est réinjecté dans la filière d’éco-matériaux. Les têtes sont, elles, traitées par la société de recyclage de plastiques Reviplast près de Limoges.
En parallèle, Écho-Mer a été missionnée depuis le printemps par la Région Nouvelle-Aquitaine pour structurer la valorisation de ces déchets à l’échelle régionale. Une douzaine d’entreprises ont déjà embarqué à bord de cette dynamique. Des tests sont engagés avec Hennessy, leader du cognac, et le réseau d’Esat L’Arche en Charente. « Mais, reconnaît Nathalie Daniel, nous devons encore trouver des partenaires pour la collecte et la distribution, auprès de collectivités et de structures d’insertion ».
Au-delà du liège, l’upcycling comme état d’esprit
Echo-Mer pratique par ailleurs l’upcycling. À savoir des activités de revalorisation textile et plastique à partir de matériaux issus du monde maritime : voiles, cordages, poches ostréicoles, combinaisons néoprène. Chaque année, plus d’une centaine de tonnes de poches à huîtres sont ainsi récupérées et transformées notamment en poubelles à bouchons.
Le néoprène peut aussi servir de garniture de coussins. Ou être recyclés dans la fabrication de tapis de souris, porte-clés, lunettes. Les autres matériaux (environ 700 kg en 2024) deviennent sacs, paniers, trousses, objets de décoration divers. Ils sont fabriqués par des personnes fragilisées (personnes en situation de handicap, détenus d’une prison voisine…). Puis vendus au local de l’association, juste derrière l’office de tourisme de La Rochelle.
(1) Un ESAT est un établissement médico-social de travail protégé, réservé aux personnes en situation de handicap et visant leur insertion ou réinsertion sociale et professionnelle

Photo de Une : panière de collecte des bouchons ©DR