Les jeunes Palestiniens font face à un quotidien difficile. Témoins des horreurs de la guerre et des destructions, ils subissent aussi les difficultés économiques rencontrées par leurs familles et les crises sociales qu’elles engendrent. Pour aider ces enfants, de nombreuses institutions culturelles et artistiques s'efforcent de créer des espaces de joie et d'espoir, à Gaza et en Cisjordanie.
Le centre culturel Grass, affilié à la Société Arabe de Réhabilitation de Bethléem, un hôpital spécialisé dans les programmes de réhabilitation, a constaté que la musique pouvait être un outil puissant pour aider les enfants palestiniens à passer de la pression psychologique à des espaces d'espoir, de joie et de plaisir.
C’est pourquoi a été lancé "Grass Buds", un programme musical destiné aux enfants de 6 à 16 ans, en collaboration avec "Musicians Without Borders". Ce projet propose des cours de musique à 45 enfants, deux fois par semaine. Chaque enfant bénéficie de cours de chant dans la chorale ainsi que de musique instrumentale, créant un espace sûr pour leur expression personnelle à travers la musique.
Un refuge pour les enfants
Pendant les leçons, les enfants apprennent à jouer du oud, du violon et des percussions, tout en développant des compétences de création musicale collective, de chant et de respiration. En parallèle, ils participent chaque semaine à des séances animées par un travailleur social du centre, qui les aide à améliorer leurs compétences sociales et émotionnelles. Sont alors abordés des thèmes comme le harcèlement.
Les jeunes sont exposés à un éventail de musiques allant des mélodies palestiniennes traditionnelles à des compositions multiculturelles. Ils participent à diverses activités telles que des spectacles de cirque et des événements sportifs. De quoi explorer les disciplines qui les attirent le plus.
Le centre Grass offre aussi divers services encadrés par des spécialistes des domaines psychologique, musical et vocal. Il devient ainsi un lieu de libération émotionnelle, de créativité et de développement personnel, posant les bases d’une future génération de jeunes artistes. En complément, des séances hebdomadaires sur la manière d'interagir avec les enfants, leur permettant de mieux comprendre les besoins psychologiques de leurs enfants et de relever les défis émotionnels ou comportementaux auxquels ils peuvent être confrontés sont proposées aux mères d'élèves. Il leur est aussi des cours de musique animés par des enseignants professionnels.
Un programme pensé pour guérir et construire
Abeer Sansour, artiste originaire de Bethléem, explique : « Ma responsabilité estde veiller à ce que chaque enfant palestinien ait le droit de chanter et de vivre comme les enfants partout dans le monde. » Elle ajoute que « la musique affine l'âme à travers le chant et renforce l'idée que chaque enfant doit pouvoir apprendre à s'exprimer. »
L'expérience prouve que les enfants ayant reçu une formation musicale et vocale arrivent mieux à exprimer leurs problèmes et leur identité. Notamment quand ils ont été témoins de violence — que ce soit à travers les médias ou lors de confrontations avec les forces militaires israéliennes et les colons. Ces expériences affectant profondément leur santé mentale.
« Le centre entend traiter ces effets négatifs par la musique et le chant, utilisés comme outils de libération émotionnelle pour revigorer l’énergie positive des enfants et se débarrasser de la négativité », précise-t-elle. Le travail se structure en séances de groupe et séances individuelles. « Nous pensons qu’il est crucial d’être aux côtés des enfants pour modifier leurs mauvais comportements par la formation musicale et les séances sociales », explique Abeer Sansour. Elle précise : « Nous travaillons avec eux comme si nous étions une grande famille, afin qu'ils ressentent Grass comme leur seconde maison. »
Après familiarisation et évaluation sociale, les enfants sont répartis en trois niveaux selon leurs compétences. Passage obligé, l’évaluation sociale repose sur des séances de discussions ouvertes permettant aux enfants d'exprimer leurs personnalités, leurs inquiétudes et leurs préoccupations. L'objectif est de leur simplifier la vie, alléger leurs fardeaux et leur faire adopter la musique comme outil d’expression de soi. Les cours peuvent alors commencer et le choix du répertoire est important.
« Nous mettons l'accent sur la musique traditionnelle et culturelle, pour renforcer leur lien avec leur communauté à travers l'art et la musique, avant d'étendre l'apprentissage à d’autres instruments », indique la musicienne et compositrice.
Des partenariats avec des Institutions Musicales
Fabian van Eijk, responsable du programme musical et chef d'orchestre au Centre Culturel Grass, travaille avec "Musicians Without Borders" et "Voices of Palestine" témoigne .
« Je vois les enfants s'efforcer d'apprendre autant que possible. Et une fois qu'ils maîtrisent leurs instruments, ils jouent avec le cœur. » Elle souligne également : « Les enfants, d’âges différents, se rassemblent comme une famille, chacun adoptant un rôle : les plus âgés aident les plus jeunes ou les débutants, créant un environnement où la compréhension mutuelle prime sur celle des adultes. » Bien consciente des blessures émotionnelles que portent les enfants elle a constaté que « la musique devient pour eux un moyen d’exprimer leurs sentiments intérieurs et de refléter leurs douleurs ». Des traumatismes varient selon qu’ils viennent des camps de réfugiés, des villages ou de de Bethléem.
La formation couvre plusieurs instruments : violon, oud, qanun, percussions, et les cours de chant dispensés par Abir Sansour. Van Eijk en est convaincue : « La musique aidera les enfants dans leur vie future, en leur enseignant la discipline et en les inspirant à aimer ce qu’ils font. » Cette dynamique produit des résultats positifs et donne aussi aux enfants l’occasion de prendre des responsabilités.
La voix des Enfants
Les enfants eux-mêmes témoignent de leur bonheur à participer aux cours de musique. Sarah Hwamdeh, 11 ans, explique ainsi : « Je fais partie de plusieurs programmes depuis cinq ans. J'ai choisi la musique, surtout la musique traditionnelle. Maintenant, je suis plus confiante et je peux jouer devant un public. » Elle ajoute avoir appris des chansons palestiniennes qui ont renforcé son sentiment d’appartenance à sa terre et approfondi sa compréhension de l’histoire et du patrimoine palestiniens. « À travers mon chant et ma musique, j’ai appris à envoyer un message au monde, fièrement et avec confiance. »
Adam Rahal, également âgé de 11 ans, raconte que la musique l'a aidé à devenir plus calme, discipliné et engagé socialement. « J'ai rejoint le centre à l'âge de six ans, grâce à mon amour pour la musique, et ça a changé ma vie. Ils m'ont aidé à découvrir mon amour pour la musique et les chansons patrimoniales palestiniennes. Et à partager notre culture avec le monde. »
Et le jeune Palestinien de conclure : « Maintenant, je fais partie d'un groupe artistique. Nous nous retrouvons au centre après l’école pour nous exprimer à travers les chansons. Grass est notre deuxième maison après la maison familiale et l’école. »

Photo de Une : Fabian van Eijk dirige le groupe d'enfants lors d'une répétition musicale © Ahmad Jubran