Dans les régions montagneuses et les îles reculées, des écoles ferment faute d'enfants. Cela accélère encore la désertification des campagnes grecques. Un village a pourtant décidé de se battre pour garder son école ouverte. Un appel a ainsi été lancé sur les réseaux sociaux pour faire venir de nouveaux habitants. Mille familles ont répondu et deux sont déjà installées.
À Fourna, dans le district d'Eurytanie au centre du pays, pour la première fois la maternelle est restée fermée. L'école primaire ne compte plus que deux élèves, dont l'un achève sa scolarité cet été. Bien décidés à changer les choses, l'enseignante et le prêtre du village ont lancé un appel via Facebook, annonçant que le village offrirait à deux couples un logement gratuit pendant un an, un soutien financier et de l'aide pour trouver un emploi.
En quelques jours, plus de 1 000 personnes ont exprimé leur désir de déménager dans ce village de montagne. "Nous avons publié au milieu du mois d'août et même maintenant, deux mois et demi plus tard, nous recevons des appels de familles. Il y a beaucoup de gens qui cherchent à garantir un bon niveau de vie pour leurs enfants. Mais aussi à réduire le coût de la vie qui est très élevé dans les grandes villes", explique l'enseignante du village, Giota Diamantí.

"Nouvelle vie au Village"
Deux familles, de six et trois enfants, se sont installées dans le village. Elles ont multiplié par quatre le nombre d’élèves de l'école primaire et permis la réouverture de la maternelle la rentrée prochaine. "Sans ces nouveaux habitants, l'école primaire du village n'aurait eu l'année prochaine qu'un seul élève, puis aurait fermé. Nous avons choisi des familles qui correspondaient le mieux au profil du village et qui n'auraient pas de difficulté à trouver du travail ici", explique l'enseignante.
Vassiliki Emmanouil, 36 ans, mère de six enfants, est l’une des nouvelles arrivantes. Elle a pour projet d’ouvrir une boulangerie car la dernière du village a fermé il y a 25 ans. Son mari, quant à lui, va travailler à la coopérative forestière et se consacrera en même temps à des travaux artisanaux.
Ils envisagent déjà le reste de leur vie à Fourna et le retour à Athènes semble très lointain. "Nous formons une communauté ici, constate Vassiliki. Avec les femmes du village, nous sommes devenues si proches que j'ai l'impression de les connaître depuis des années. La femme du pope a déclaré publiquement à mon sujet qu'elle avait trouvé la sœur qu'elle n'avait jamais eue. Comment pourrais-je donc abandonner tout cela pour aller vivre à Athènes ou ailleurs ?".
Ses enfants profitent pleinement de la qualité de vie offerte par le village. "Mon fils aîné de 14 ans m'a dit il y a quelques jours : "Maman, enfin je vis". L'après-midi, ils jouent au ballon avec les autres enfants du village, explorent les environs ou iront ramasser des châtaignes. À Athènes, ces activités n'étaient pas envisageables. Dès la fin de l'école, ils restaient des heures sur leur téléphone.
"Il y a de la gentillesse, de l’attention et de la solidarité entre les habitants. Quelque chose que l'on trouve difficilement dans les grandes villes. Par exemple, un habitant peut aller ramasser ses œufs et viendra frapper à ma porte pour m'en offrir aussi. Ce sont des gestes qui créent un sentiment de sécurité et d'unité », raconte la jeune mère enthousiasmée par sa nouvelle vie.
Aider au retour à la vie rurale
Le grand intérêt suscité par la publication de l'enseignante aux quatre coins de la Grèce a conduit à la création de l'organisation non gouvernementale Nea Zoi sto Chorio (qui pourrait se traduire par Nouvelle vie). Son but est de collecter des fonds afin que le village puisse accueillir et soutenir d'autres familles.
« En plus de ceux qui veulent déménager ici, des entreprises et des particuliers ont souhaité contribuer à la renaissance de Fourna. C'est très émouvant et je crois que dans un avenir proche, nous serons en mesure d'accueillir d'autres familles en attente », témoigne Giota Diamantí.
"Nous ne nous attendions pas à ce succès. ZDF et ArteTV, des médias allemands, nous ont rendu visite pour couvrir ce qui s'est passé dans notre village et parler aux familles qui se sont installées ici. Et dans quelques jours, c’est un journaliste du New-York Times qui débarque. J'espère que tout cela marquera le début d'une véritable renaissance pour notre village", conclut Giota Diamanti.
Le succès de ce projet a conduit les habitants d'autres villages du pays qui se désertifient à demander des conseils pour attirer des résidents. De plus, une équipe de chercheurs français qui collabore avec l'Université de Thessalie (UTH), s'est rendue à Fourna pour étudier comment la montagne pourrait être exploitée. C'est un endroit pittoresque et vierge, idéal pour les amoureux de la nature. Tout est donc là, même si, pour l’instant il manque encore un restaurant, une librairie et, bien sûr, une boulangerie tant pour les habitants que pour les touristes. Car le village a le potentiel d’une véritable destination de vacances d'hiver !
Cet article s'inscrit dans une trilogie sur la Thématique de la désertification rurale et sera suivi de :
Quand l'épargne citoyenne sauve des fermes
l’ONG Amal Biladi veut dynamiser les villages du monde rural

Photo de Une : L'église de Fourna© Giota Diamanti