Maroc

Un festival de cinéma consacré aux femmes réalisatrices

Selon les régions du monde, les femmes représentent entre 10 et 25% de la profession de réalisateur. Alors à Salé, dans le Nord-Ouest du Maroc, un festival de cinéma célèbre annuellement le travail de réalisatrices du monde entier. Pour sa 17e édition, du 23 au 28 septembre, l’événement a gardé le cap imprimé à partir de 2008 : promouvoir davantage le travail des femmes dans le cinéma international et sélectionner des œuvres qui parlent de la condition féminine.

Un intérêt pour les voix singulières, ainsi pourrait-on résumer le Festival international du film de femmes de Salé (FIFFS). Cet évènement, créé en 2003, s’intéresse à la question du travail féminin dans l’industrie cinématographique. Il propose chaque année, à travers les films projetés, « une photographie de la condition féminine à travers le monde », comme l’explique Hicham Falah, directeur artistique depuis 2008.

Femmes et cinéma : des défis qui traversent les frontières

Et pour cause. Selon une étude de l’UNESCO*, publiée en 2021, moins de 10% des personnes travaillant dans le secteur cinématographique en Afrique australe et Afrique de l’ouest sont des femmes. Et dans les pays anglophones et arabophones du continent (Maroc, Tunisie, Nigéria, Kenya, Zimbabwe et Afrique du Sud), si la dynamique est légèrement plus encourageante, des progrès restent à faire : « 30% des femmes, voire plus, travaillent devant et derrière la caméra » dans ces pays, toujours selon cette étude… La sous-représentation des femmes dans le cinéma n’est d’ailleurs pas propre au continent africain : en Europe, 26% seulement des films réalisés entre 2018 et 2022 l’ont été par des femmes, d’après le rapport annuel de l’Observatoire européen de l’audiovisuel… « Les défis auxquels sont confrontées les femmes est une question qui traverse les frontières, a d’ailleurs souligné lors de la cérémonie d’ouverture la réalisatrice hongroise Ágnes Kocsis, dont le pays était invité d’honneur pour cette 17e édition.

Hommage rendu à l'actrice marocaine Saâdia Ladib (au micro) et à l'actrice égyptienne Dalia el Beheri, pour l’ensemble de leur parcours ©FIFFS

Face à ce constat, le FIFFS se présente comme un lieu de rencontre entre femmes cinéastes de toutes origines géographiques, africaines, arabes et internationales. Une compétition officielle de longs métrages de fiction met de fait à l’honneur les œuvres de dix réalisatrices, originaires d’Afrique, mais aussi d’Europe, des Amériques et d’Asie. Des conférences autour de la parité dans le cinéma, des dialogues de cinéastes, ainsi qu’un séminaire sur la critique de cinéma au Maroc, en Afrique et dans le monde étaient également au programme cette année… Sans compter un hommage vibrant, rendu aux actrices égyptienne et marocaine Dalia el Beheri et Saâdia Ladib pour l’ensemble de leur parcours. Cette dernière a d’ailleurs appelé toutes les femmes artistes, en particulier les générations montantes, à œuvrer pour une meilleure représentation des femmes marocaines au cinéma, et à mettre en avant leurs besoins et préoccupations.

Faire bouger les lignes

A travers ces rencontres et ces projections, l’évènement entend donc faire bouger les lignes, petit à petit… « Depuis la création du festival en 2003, le très grand changement concerne le nombre de films réalisé par des femmes à travers le monde, mais aussi leur diversité, souligne Hicham Falah. Dans tous les pays, dans toutes les régions, dans toutes les zones, il y a des femmes qui prennent la caméra… Et la diversité des genres aussi évolue : les cinéastes féminines, à la base rattachées à des sujets sociaux ou à des films intimes, utilisent de plus en plus le film de genre pour parler de la réalité de leur pays. C’est le grand changement. » Reste à signaler que ces productions restent encore des films d’auteurs à petit, voire moyen budget… « Il y a toujours un plafond de verre pour accéder à de plus grands financements… », déplore celui qui est aussi délégué général du Festival international du film documentaire d’Agadir.

Le FIFFS, en tout cas, se propose justement comme une plateforme de visibilité, et les plus jeunes cinéastes répondent présentes. « Dans le chaos généralisé qui nous entoure, on a toute une jeune génération de réalisatrices féminines qui ont des choses à faire entendre, et c’est formidable », indique la réalisatrice burkinabè Odile Sankara, membre du jury de la compétition long-métrage cette année. Ágnes Kocsis abonde également en ce sens : « Encourager la créativité cinématographique des jeunes, en particulier chez les filles, et transférer les connaissances accumulées par les générations fondatrices dans le domaine du cinéma à la génération actuelle restent le moyen le plus efficace pour faire progresser cet art. » AU FIFFS, le message a été entendu. En témoigne la présence de Yoko Yamanaka, japonaise, qui à 27 ans, a présenté lors de cette édition son cinquième long métrage, Desert of Namibia.

*Ce rapport constitue la première cartographie complète de l’industrie cinématographique et audiovisuelle des 54 Etats du continent africain.
Affiche de la 17e édition du FIFFS ©FIFFS

Photo de Une : Le jury de la compétition officielle long-métrage. De gauche à droite Maryam Touzani (Maroc), Hana Shiha (Egypte), Ágnes Kocsis (Hongrie), Odile Sankara (Burkina Faso) et Fleur Albert (France) ©FIFFS