À Marseille depuis 2020, Monia Sbouaï a monté un process de mode écoresponsable et vertueux sous toutes les coutures : Atelier Regain. De sa marque Super Marché, témoin de sa période parisienne, elle a gardé les fondamentaux : réemployer du textile déjà existant et impliquer des personnes en insertion dans le processus de fabrication.
Depuis qu’elle a jeté les amarres dans la cité phocéenne, c’est avec le réseau Emmaüs et ses boutiques Frip Insertion que Monia Sbouaï tricote ses projets. La même logique et les mêmes ressorts, augmentés d’un studio d’upcycling à même de confectionner ses propres collections. « Car Atelier Regain, ça n’est pas seulement une marque, c’est aussi un laboratoire », insiste la créatrice.
C’est à l’étage, baigné de lumière, que l’atelier de couture a pris ses quartiers. Des étagères regorgent de pièces de tissus soigneusement classées par matières et couleurs. « Nous donnons une nouvelle vie aux textiles de seconde main les plus amochés – tâchés, troués, avec un zip défectueux. Nous précisons à l’atelier de tri de quoi nous avons besoin, car nous recourons beaucoup à certaines matières comme le jean ou encore les couvertures en laine », détaille Monia Sbouaï.

À chaque modèle sa recette détaillée
Depuis le lancement du projet, une quinzaine de femmes ont déjà été initiées à la couture au sein de cet atelier formateur, en insertion ou en alternance. Elles ont le statut parent isolé et sont adressées par les prescripteurs habilités, comme Pôle Emploi ou la Mission Locale. Elles peuvent aussi répondre aux annonces postées sur la Plateforme de l’inclusion. Qu’elles aient déjà ou non des connaissances n’a pas d’importance. Car Monia Sbouaï a conçu une méthode d’apprentissage en plusieurs étapes qui convient aux néophytes comme aux plus aguerries. Tout modèle est assorti d’une « recette » qui détaille sa réalisation étape par étape. Et chacune s’insère dans le programme à son niveau. Sans compter sur la solidarité et la transmission des anciennes aux nouvelles.
« La couture n’est pas forcément leur vocation ni leur futur métier. C’est un support pour se relancer. Pourtant la majorité d’entre elles aimerait continuer dans ce domaine. Malheureusement Marseille compte beaucoup d’ateliers d’insertion, mais peu d’entreprises spécialisées, donc il est difficile de décrocher un CDI ».

Pièce totem, le tote-bag matelassé
La collection Atelier Regain compte aujourd’hui une cinquantaine de modèles, des pièces de prêt-à-porter, mais aussi du linge de maison et des accessoires. Pièce phare, un tote-bag matelassé assez original. Il est suivi des vestes sans manches taillées dans des couvertures. « Notre ADN est un univers coloré, joyeux, avec des coupes épurées, un mélange de pièces et de matières », explique la styliste. Uniquement des pièces uniques, vendues dans les boutiques marseillaises, lors de pop-ups, à la boutique Emmäus Paris ou en ligne.
Voilà pour la vitrine, derrière laquelle s’abritent deux autres activités, plus confidentielles.
Des commandes pour des uniformes, des cadeaux d’entreprise, des séries…
Ce sont d’abord les commandes. Par exemple, l’association Météo et Climat qui organise une exposition itinérante autour du réchauffement climatique a souhaité une tenue particulière pour ses médiateurs et chercheurs. Atelier Regain a donc conçu leur uniforme : des gilets sans manches issus de chemises hommes, avec des biais de couleurs, des poches pratiques et leur logo. « On doit avoir un bon référencement, car ils nous ont trouvés sur Internet », sourit Monia Sbouaï.
L’équipe a également fabriqué les 400 trousses matelassées zippées offertes par Chanel à ses invités lors de son défilé marseillais.
Découvrir le monde du tri et du recyclage
Il y a enfin les ateliers de sensibilisation - aux excès dans le domaine textile et fast fashion, au tri et ses ressources. On découvre cet univers via la visite d’une friperie, avec des infos sur la provenance des vêtements, le tonnage, ce qui est gardé. Avant un passage par l’atelier couture pour réaliser un tote-bag à partir d’une chemise. »Un vrai intérêt pour ces questions », pointe Monia.
Ses trois activités n’assurent cependant pas encore l’autosuffisance à Atelier Regain. Des subventions sont encore nécessaires, cela suppose de faire acte de candidature lors d’appels à projets. Mais l’enthousiasme de Monia Sbouaï demeure intact : « Cette aventure professionnelle est incroyable, même si je n’imaginais pas que le chantier serait aussi vaste ». Un plus : se trouver dans l’écosystème Emmaüs qui bénéficie d’une bonne reconnaissance. Un moins : pas encore assez de visibilité. Elle glisse alors, en mode suggestion : « À Paris, ma marque Super Marché avait décollé après un post de Sophie Fontanel… »
Pour pérenniser leur activité, on peut faire don de rouleaux de tissu inutilisés, fins de collection, ou invendus pour leur donner une seconde vie. Offrir un atelier de sensibilisation à l’upcycling ou encore passer commande !
