Au Maroc, le manque d’eau affecte l’agriculture, mais aussi l’élevage. Le coût de la viande rouge explose et le pays, auparavant autosuffisant dans sa production, se retrouve obligé d’importer depuis l’étranger. Face à cette situation, une race bovine se distingue. Élevée exclusivement dans la région montagneuse d’Oulmès-Zaer, elle résiste naturellement à la sécheresse. Une source d’inspiration, que le gouvernement marocain s’efforce de préserver et de développer.
Elles ont les contours des yeux d’un blanc cassé, une robe acajou qui fonce légèrement sur les reins, de belles cornes en arc et un museau blanc… Lorsqu’elles descendent de leurs montagnes à l’occasion d’évènements comme le Salon international de l’agriculture au Maroc, qui s’est tenu mi-avril à Meknès, les vaches d’Oulmès-Zaer se distinguent par leur apparence comme par leur pédigrée. Originaires exclusivement de cette région du Moyen Atlas, dans l’arrière-pays de la capitale Rabat, elles constituent aujourd’hui la dernière race 100% marocaine sur le territoire.
Une race qui résiste très bien aux maladies et s’adapte à la sécheresse
“C’est une espèce qui possède une viande extraordinaire et très prisée… Et son lait dispose de l’un des taux butyreux*les plus élevés au monde ainsi qu’une grande teneur en protéines, explique Ahmed Aïttaleb, vétérinaire de formation à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II à Rabat, et directeur de la toute récente Fédération marocaine des éleveurs de la race bovine d’Oulmès-Zaer (FMERBOZ). C’est aussi une race qui résiste très bien aux maladies, et s’adapte totalement à la sécheresse… Une vache-accordéon en quelque sorte”.
Aujourd’hui, cette qualité et cette adaptation sont érigées en exemple. Depuis quelques années, le Maroc peine à assurer sa production nationale en viande rouge, qui constituait pourtant jusqu’ici sa renommée dans toute l’Afrique du Nord. Selon le ministère de l’Agriculture, le cheptel national est en baisse, de 2% cette année pour les ovins par rapport à l’an passé, et de 4% pour les caprins. Quant aux bovins, si l’on parle uniquement de la production carnée, ce sont 40 000 veaux qui sont importés annuellement d’Europe pour l’élevage.
Une race qui peut garantir l’autosuffisance du Maroc
La sécheresse est l’un des principaux facteurs explicatifs. Le manque d’eau pour la 6e année consécutive entraîne des pertes dans la production fourragère. L’importation de l’alimentation des bêtes devient alors nécessaire, décuplant le coût de production pour l’éleveur, et celui de l’achat, en bout de chaîne, pour le consommateur**. Les vaches d’Oulmès-Zaer elles-mêmes n’échappent pas à cette situation. « Ces six dernières années, les effectifs destinés à la production de lait comme de viande ont grandement diminué, précise Ahmed Aïttaleb. De 15 000 têtes en 2004, nous sommes passés à 5 000 aujourd’hui. »
Cette race locale et rustique est pourtant pleine de potentiel pour garantir l’autosuffisance en viande du royaume. Elle-même ne consomme d’ailleurs que les ressources présentes sur le plateau de Zaer sur lequel elle évolue librement, en harmonie avec les écosystèmes locaux. Depuis novembre dernier, elle fait donc l’objet d’un contrat-programme avec le gouvernement pour être sauvegardée et développée.

Le prix de la meilleure vache de race locale
« L’objectif est d’atteindre les 15 000 têtes d’ici 2030, précise Ahmed Aïttaleb. Des études sont aussi en cours afin de labelliser sa viande, et étudier ses dérivés comme le lait et le smen***… » Et pourquoi pas, à moyen terme, toujours selon ce spécialiste qui a commencé à s’intéresser à cette race pendant ses études, étendre l’élevage de cette espèce à d’autres régions. Surtout si celles-ci possèdent des forêts montagneuses et des traditions pastorales similaires…
En attendant, ces vaches, génisses et taurillons d’altitude viennent vanter leurs mérites au sein des concours et salons d’exposition… C’est d’ailleurs l’une d’entre elles, à Meknès, qui a reçu le prix de la meilleure vache de race locale, remis par le ministre marocain de l’Agriculture.
Son propriétaire, Mohamed Jeddoubi est le plus jeune des éleveurs de la FMERBOZ. Pour Ahmed Aïttaleb, il incarne déjà l’avenir… Celui de la fédération, tout juste créée en 2019, mais aussi celui du renouveau de la race Oulmès-Zaer dans le pays.